A l'ouverture de la première session de l'APW 2014, un élu d'obédience FLN, président de la commission de la jeunesse, s'est adressé au wali de Béchar pour lui demander de maintenir fermés les établissements de vente de boissons alcoolisées à emporter et à consommer sur place situés au centre de la ville, fermeture décidée en 2011 par l'ancien wali qui a été muté à Oran. L'argument de l'élu est que la ville de Béchar a été «assainie et respire de ce fléau social». Le wali a écouté le réquisitoire développé par le représentant de la population locale sans réagir. Néanmoins, de nombreux administrés et aussi certains élus ne partagent pas l'excès de zèle et le point de vue de l'élu, car l'agglomération a pu relever jusqu'ici que cette fermeture est en violation des dispositions du chapitre réservé aux libertés des citoyens et consacrée par la loi fondamentale du pays. En plus, la mesure a au contraire, selon des observateurs, entraîné jusque-là de graves dérives, notamment l'accroissement et l'usage excessif des stupéfiants dans le milieu de la jeunesse dans une ville dépourvue totalement de lieux de distraction et affreusement déserte à partir de 20h... Depuis 2011, l'accroissement de la consommation de drogues est conforté et étayé par des bilans annuels des services de sécurité et autres communiqués adressés aux organes de la presse locale. Pire, ces communiqués font état aussi d'une répression non seulement à l'encontre des gros trafiquants sur les alcools, mais s'abat aussi sur de paisibles citoyens trouvés en possession ou détenant quelques bouteilles d'alcool pour une consommation personnelle en provenance du Nord par la route Oran-Béchar. Même des professeurs d'université et cadres de l'administration publique (qui ont tenu à garder l'anonymat) ont fait les frais de cette répression au niveau des points de contrôle installés tout le long du tronçon routier à partir d'Aïn Sefra. Comme le sujet est tabou, ces derniers dénoncent silencieusement la discrimination en la matière entre le Nord où les boissons alcoolisées sont autorisées à la vente, et le Sud où la commercialisation n'est pas autorisée. Mais aux yeux d'un avocat, le plus grave ce sont les incarcérations arbitraires des personnes «pour trafic sur les alcools», incarcérations qui ne font l'objet d'ailleurs d'aucune protestation de la part des défenseurs des droits de l'homme. «Sous d'autres cieux, on emprisonne les gens pour détention illégale d'armes à feu ou pour trafic de stupéfiants et non pour détention de quelques cannettes de bière», plaide le défenseur outré. Plusieurs citoyens avisés dénoncent à leur tour la prolifération croissante à Béchar de lieux de vente illicite de boissons alcoolisées, la circulation des alcools frelatés ayant conduit à plusieurs hospitalisations, l'enrichissement illicite des barons de l'informel qui soutiennent cette mesure de fermeture. Ces derniers envoient des jeunes par train et par voitures à Oran et à Sidi Bel Abbès pour ramener en cachette dans la capitale du sud-ouest quantité d'alcool pour les proposer à des prix exorbitants. Selon une source policière, le nombre de personnes écrouées pour «trafic sur les boissons alcoolisées» au cours de ces trois dernières années est en passe de surpasser celui des incarcérés pour des délits de droit commun.