Le journaliste espagnol Ignacio Cembrero vient d´être sanctionné à la suite d'une plainte déposée par le Maroc dans l'affaire de la vidéo d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), diffusée en septembre 2013, dénonçant «la corruption» du régime marocain. Valence (Espagne) De notre correspondant Spécialiste du Maghreb depuis de nombreuses années, Ignacio Cembrero, qui travaille pour le journal El Pais depuis 1979, a annoncé, dans une lettre intitulée «Lettre à mes amis maghrébins», avoir été muté début février dans un autre département du quotidien espagnol. «La mutation s'est produite trois semaines après qu'une plainte, déposée par le Premier ministre du Maroc, Abdel Ilah Benkiran, soit parvenue à l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole», écrit-il. Il s'agit, en fait, d'une plainte déposée par le gouvernement marocain en décembre 2013 contre le journaliste et le directeur d'El Pais pour «apologie du terrorisme». Les autorités marocaines reprochaient à ce dernier la publication d'un article sur AQMI qui renvoyait directement sur la vidéo mise en lien sur le blog d'Ignacio Cembrero, Orilla Sur, via le site internet du journal El Pais. Mais il explique, par ailleurs, avoir clairement dit qu'«il s'agissait d'un documentaire de propagande terroriste». La vidéo a été retirée du site internet depuis exactement le 17 septembre 2013. Elle parle de la propagande djihadiste dans laquelle l'émir d'AQMI, Abdelamalek Droukdel, «conseillait» aux jeunes Marocains de rejoindre son organisation plutôt que «d'émigrer» vers l'Espagne. Concernant la mutation du journaliste, le directeur de la communication du quotidien, Pedro Zuazua, a déclaré au journal Le Monde, qu'il est question seulement d´une simple décision interne comme toutes les décisions que prend El Pais, et qu'ils n'ont pas à les expliquer à l'extérieur. Dans cette affaire, le journaliste marocain Ali Anouzla, directeur du site arabophone Lakome, a été aussi arrêté le 17 septembre juste après la diffusion de la vidéo. Suite à une forte campagne de mobilisation au Maroc et à l'étranger, ce journaliste, connu pour ses positions critiques à l'égard des autorités, a été remis en liberté provisoire le 25 octobre. Ali Anouzla reste tout de même poursuivi pour «aide matérielle, apologie et incitation au terrorisme». Plusieurs organisations internationales des droits de l'homme comme Human Rights Watch ou Amnesty International ont dénoncé cet acte. Son procès est fixé au 20 mai. A signaler que le Maroc n'a pas porté plainte contre d'autres sites, qui continuent de diffuser la vidéo. Malgré tout, les autorités marocaines ont maintenu leur action en justice contre El Pais. L'Audience nationale n'a toujours pas fixé la date de l'audience. «Je tiens à remercier, toutes les infos, les impressions et les réflexions, que vous m'avez transmises tout au long de ces années et qui m'ont tant aidé à faire mon boulot de journaliste», conclut Ignacio Cembrero, dans la «Lettre à mes amis maghrébins». Quoi qu'il en soit, l'«affaire Ignacio Cembrero» révèle un peu plus au grand jour le vrai visage du makhzen marocain que le roi Mohammed VI tente de présenter comme un modèle de démocratie au Maghreb.