Au Maroc, Ali Anouzla, après avoir goûté de la prison, n'arrive toujours pas à relancer son journal électronique Lakome et il reste poursuivi pour «apologie» et «incitation à l'exécution d'actes terroristes». Le régime marocain qui ne supportait pas ce journaliste irrévérencieux avait saisi prétexte d'un lien vers le journal El Pais reprenant une vidéo d'Aqmi ciblant Mohamed VI et son «royaume de la corruption». Le site prenait la précaution de souligner qu'il s'agissait d'un document de propagande mais les autorités marocaines ont trouvé une occasion de faire taire un journaliste très indépendant. Ali Anouzla est en liberté provisoire depuis le 25 octobre dernier et son procès est prévu pour le 20 mai prochain. Pour montrer qu'il a de la suite dans les idées le gouvernement marocain a décidé de poursuivre devant la justice espagnole le journaliste d'El Pais, Ignacio Cembrero. Une plainte a été déposée en ce sens que le journal El Pais ait retiré la vidéo incriminée. La justice espagnole n'a pas fixé d'audience pour le procès contre le journaliste mais la direction du journal El Pais, à l'évidence très «sensible» aux pressions du Maroc, a décidé sans attendre de sanctionner le journaliste. Il est désormais interdit de Maghreb, muté dans un autre service du journal. Le gouvernement marocain a décidément le bras bien long ! Car personne n'imagine qu'un journal, qui assure une couverture relativement importante de voisinage maghrébin, se prive d'un professionnel qui couvre la région depuis une vingtaine d'années. Ignacio Cembrero dans une «Lettre à mes amis maghrébins» a expliqué que la décision de le priver de Maghreb a été prise début février. «La mutation s'est produite trois semaines après qu'une plainte déposée par le Premier ministre du Maroc, Abdelillah Benkirane, soit parvenue à l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole». Le gouvernement marocain qui n'a pas porté plainte contre des sites américains qui ont diffusé la vidéo peut crier victoire. Il a fait taire Anouzla au Maroc, il a réussi à «muter» Cembrero, un journaliste qui connaît bien le Maroc (et l'Algérie) et assure une couverture indépendante de ce qui s'y passe. LA MISE A L'ECART D'IGNACIO CEMBRERO, INTERVENUE A LA FAVEUR D'UN CHANGEMENT A LA DIRECTION DE LA REDACTION, A SUSCITE LA COLERE DU COMITE DE REDACTION. LES RESPONSABLES DU JOURNAL AFFIRMENT, SANS CONVAINCRE, QU'IL N'Y A PAS DE LIEN ENTRE LA MUTATION DU JOURNALISTE ET LA PLAINTE DU GOUVERNEMENT MAROCAIN. POUR LE COMITE DE REDACTION, LA DIRECTION D'EL PAIS SE COUCHE ET ENVOIE UN MESSAGE CLAIR A RABAT : LES JOURNALISTES QUE LE GOUVERNEMENT MAROCAIN DENONCE SERONT PUNIS D'UNE MISE A L'ECART ! LA DIRECTION D'EL PAIS - DONT LES FINANCES SONT PLUTOT MAL EN POINT - A FAIT UN CHOIX POLITIQUE. QUI NE L'HONORE PAS. IGNACIO CEMBRERO, AVEC UNE CERTAINE CLASSE, A SALUE SES AMIS MAGHREBINS «POUR TOUTES LES INFOS, LES IMPRESSIONS ET LES REFLEXIONS, EMAILLEES DE THE OU DE COUSCOUS, QUE VOUS M'AVEZ TRANSMISES TOUT AU LONG DE CES ANNEES ET QUI M'ONT TANT AIDE A FAIRE MON BOULOT DE JOURNALISTE».