Jeudi aussitôt que Mourad Medelci, président du Conseil constitutionnel, a rendu publique la liste des candidats qui vont être en lice pour l'élection à la magistrature suprême, la présidence de la République a émis un communiqué annonçant que le chef de l'Etat a chargé Youcef Yousfi, ministre de l'Energie et des Mines, d'assurer l'intérim des fonctions du Premier ministre Abdelmalek Sellal, appelé à diriger la campagne électorale du candidat Bouteflika. Le même communiqué a fait état de la nomination d'Ahmed Ouyahia en tant que ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République et celle d'Abdelaziz Belkhadem en tant que lui aussi ministre d'Etat, conseiller spécial du président de la République. Bien évidemment ce n'est pas la liste des candidats dévoilée par le président du Conseil constitutionnel, ni l'intérim du Premier ministère attribué à Youcef Yousfi qui ont capté l'attention de l'opinion publique. Dans le premier cas, Mourad Medelci n'a fait qu'officialiser la rumeur qui faisait état que seuls les six candidats annoncés par lui allaient obtenir la validation par le Conseil constitutionnel. La nomination de Youcef Yousfi ne constitue pas elle aussi une surprise car des « indiscrétions » en ont fait état que Bouteflika a officialisé sa candidature et qu'il s'est su qu'il confierait la direction de sa campagne électorale à Abdelmalek Sellal. La « surprise » est venue du retour en force dans le camp présidentiel des deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem dont d'aucuns avaient décrété la « mort politique » suite à leur éviction du gouvernement et aux déboires qu'ils ont connus en tant que respectivement premier responsable, l'un du RND et l'autre du FLN. Leur rappel donne lieu à des spéculations et des essais de décryptage aussi variés que contradictoires. La lecture qui est la nôtre est que leur nomination a pour message que les clans du pouvoir auxquels ces deux personnalités appartiennent font désormais bloc pour ce qui est de la question d'un quatrième mandat pour Bouteflika, et qu'ils sont en accord sur la composante de l'équipe sur laquelle celui-ci s'appuiera pour l'accomplir. Leur deal ne surprend et n'étonne que ceux qui l'ont pensé impossible en raison que d'insurmontables divergences seraient nées entre ces clans les entraînant vers une confrontation inéluctable. Il est clair que Bouteflika a obtenu ce qu'il voulait : rallier à l'option de son quatrième mandat le clan du pouvoir qui a renâclé contre elle. Il lui a consenti en contrepartie d'être partie prenante dans l'organisation et la conduite de ce mandat en nommant l'un des siens au sein de l'institution présidentielle en qualité de directeur de cabinet, en l'occurrence Ahmed Ouyahia dont les rapports avec lui et le cercle de ses proches ne sont pas pourtant empreints de confiance. La présence d'Ouyahia et de Belkhadem auprès du président candidat se veut aussi un signal en direction des courants politiques et groupes d'intérêts dont ces deux personnalités sont représentatives et qui ont été tentés d'opter pour une autre prise de position électorale que celle du soutien au quatrième mandat suite à leurs évictions contestées. Elle signifie également aux oppositions qui veulent jouer un clan du pouvoir contre l'autre que ce pouvoir est soudé s'agissant du véritable enjeu que représente pour lui l'élection présidentielle : celui de faire échec à leur projet d'en finir sous quelque forme que ce soit avec le système politique dont il est l'émanation et la représentation. L'on rappellera en tout cas que nous avions prédit le retour « en grâce » de ces deux personnalités alors même que la plupart des commentateurs en tenaient pour leur « mort politique » définitive. En arguant alors pour cela que ce serait leur récompense pour service rendu respectivement de leur part au clan auquel ils appartiennent.