Les avocats d'Alger ont vécu hier leur plus longue journée, mais aussi la plus stressante des nuits. Les 4500 inscrits au barreau de la capitale élisent, dans un climat que certains jugent «délétère», les 31 membres du conseil de l'Ordre parmi 145 candidats répartis sur cinq listes d'anciens bâtonniers et de jeunes avocats. Pour la première fois, le scrutin sera à un seul tour et le bâtonnier élu par les 31 nouveaux membres. Les résultats seront connus aujourd'hui. Les avocats d'Alger ont vécu hier leur plus longue journée, mais aussi la plus stressante des nuits. Normal. Les 4500 inscrits au barreau de la capitale élisent, dans un climat que certains jugent «délétère», les 31 membres du conseil de l'Ordre parmi 145 candidats répartis sur cinq listes d'anciens bâtonniers et de jeunes avocats. Pour la première fois, le scrutin sera à un seul tour et le bâtonnier élu par les 31 nouveaux membres. Les résultats seront connus aujourd'hui. Dès la matinée, les salles d'audience sont transformées en bureaux de vote. Chez les candidats, la crainte d'une abstention a vite laissé place à l'anxiété d'un échec. L'ambiance est pesante et les altercations inévitables. Comme celle ayant opposé le bâtonnier sortant Abdelmadjid Sellini et maître Chaïb, tous deux candidats, à cause du recours à une stagiaire pour la distribution des affiches. Dans le hall, une armée d'avocats distribuent listes, affiches et portraits des candidats, pour certains avec une qualité qui renseigne sur une aisance financière non négligeable. Devant le grand portail métallique du siège de la cour, une avocate crie son désarroi à l'égard des membres du conseil sortant, dont une grande partie se représente pour un autre mandat. Malgré le bruit qu'elle fait, elle n'attire pas l'attention, sauf celle des policiers qui assurent la sécurité des lieux. Au premier étage, ce sont les jeunes qui font parler d'eux. Pour la première fois, ils entrent en force, non seulement en tant que candidats indépendants, mais aussi en tant que voix pour le vote. Ils veulent, disent-ils, casser «l'hégémonie des anciens». «Nous avons le droit aussi d'être au niveau des centres décisionnels. Nous voulons être partie prenante, d'autant que le nouveau texte nous permet de casser les blocs qui ont pour habitude de fermer le jeu électoral», révèle un candidat d'à peine 28 ans. Très présentes en tant qu'électrices, les femmes sont, malheureusement, peu nombreuses, voire rarissimes, en tant que candidates. Elles ne dépassent guère le nombre de trois sur certaines listes et sont quasiment absentes sur d'autres. Une seule est candidate indépendante et beaucoup affirment qu'elle a peu de chances d'obtenir des voix en raison des réticences qui bloquent sa promotion, au point où l'idée d'imposer le principe des quotas a été lancée par un groupe d'avocates pour pousser au changement des mentalités. Il est 13h, cela fait trois heures déjà que les urnes sont en train de se remplir. Le taux de participation est acceptable par rapport au dernier scrutin. Les magistrats arrivent par groupes et tout porte à croire que le nouveau texte portant organisation de la fonction d'avocat, promulgué au mois d'octobre 2013, y est pour quelque chose. «Les avocats savent que les voix ont plus d'importance qu'avant. S'ils votent massivement pour quelqu'un ou pour une liste, ils sont certains que les coalitions ou les magouilles n'y pourront rien, parce qu'il n'y aura pas de deuxième tour. Tout se joue maintenant, alors qu'avant, tout pouvait arriver au deuxième tour», déclare Me Abbèche, président de la commission d'organisation du scrutin. Il semble très relax : «Tout se passe bien. Nous n'avons enregistré aucun incident. Le nombre de procurations est très faible…» Vers 16h, un groupe d'avocats demande la prolongation d'une heure du vote. «De nombreux confrères ont été retenus et veulent voter. Donnez-leur plus de temps pour qu'ils puissent le faire. En plus, dans le hall il y a toujours des files d'attente», lance l'un d'eux. Me Abbèche se concerte avec son vice-président et, quelques minutes plus tard, il décide de prolonger le scrutin jusqu'à 17h. La décision est bénéfique, l'opération se poursuit à un rythme plus lent. La fatigue se lit sur les visages, notamment des membres du conseil sortant qui ont organisé l'opération, mais aussi des candidats dont la campagne s'est poursuivie jusqu'à la fin de la journée. A la clôture du scrutin, vers 17h, le taux de participation est «remarquable», note Me Abbèche, précisant : «Il faut maintenant faire le décomptage pour avoir une idée plus précise. Mais il est certain, vu l'affluence, que le vote a drainé du monde. Il faudra aussi attendre toute la nuit pour obtenir les résultats.» En fait, les membres du nouveau conseil ne peuvent être connus qu'aujourd'hui et, après élection du bâtonnier, si ce dernier n'obtient pas la majorité, un autre tour avec celui qui vient après lui aura lieu. Habituellement, les premiers de cette liste se précisent le jour même du vote. Ce qui n'est pas le cas pour le scrutin d'hier. Personne n'était en mesure d'avancer une quelconque probabilité en raison du mode électoral prévu par le nouveau statut de la profession d'avocat. Il est 19h passées et le dépouillement n'est toujours pas entamé. Les bureaux de vote sont fermés et toutes les urnes sont dans la salle de comptage. De nombreux avocats sont déjà rentrés chez eux, laissant les lieux inondés d'affiches, de portraits et de listes, mais les plus investis ont préféré suivre de près le cheminement des voix des électeurs. Dans cette ambiance électorale, beaucoup ont regretté l'absence de leur confrère Mohcine Amara, placé sous mandat de dépôt il y a plus d'une semaine pour «injure». Certains sont offusqués de la manière avec laquelle l'avocat a été placé en détention, d'autres ont expliqué le silence de la corporation par la campagne électorale.