Les affrontements ont causé des blessures à cinq agents de l'ordre. Nuit d'horreur pour les habitants de l'unité de voisinage n°14, à Ali Mendjeli. En effet, les violences ont repris dans la nuit de lundi à mardi et se sont poursuivies pendant la journée d'hier entre les habitants issus des bidonvilles de Oued El Had et ceux de Fedj Errih. Hier, nous avons constaté sur place les dégâts occasionnés sur plusieurs bâtiments au vu des traces de cocktails Molotov. Les pierres et autre ferraille qui jonchent la chaussée sont là pour témoigner d'une nuit d'horreur où la sécurité a pris un sérieux coup, malgré la présence des éléments des services de sécurité, qui ne font que constater les dégâts. Pis encore, ce sont eux qui ont eu à déplorer plusieurs blessés dans leurs rangs. Sur place, les habitants que nous avons rencontrés sont unanimes: «Nous étions certes contents d'avoir acquis un logement décent, mais sans une sécurité minimale, nous préférons retourner dans nos bidonvilles, au moins, nous avions la vie sauve !» Et un riverain d'ajouter : «Nous ne pouvons même plus travailler, car nous sommes obligés de surveiller nos habitations. Nous avons été obligés d'évacuer nos familles ailleurs et nous sommes là à faire le guet.» A l'entrée d'un bâtiment, les traces d'incendie sont encore là. Une femme nous raconte cette nuit qu'elle a dû passer avec son mari grabataire : «Nous avons vécu le martyre; le feu, les cris et les projectiles qui n'ont pas cessé de 18 h ‘à minuit. Pire, nous avons subi la fumée des bombes lacrymogènes des policiers qui ont dû en utiliser pour disperser cette horde, composée de centaines d'individus.» Un autre citoyen, plus au fait de tout ce qui se passe dans ces lieux, tente de nous expliquer les raisons de cette violence récurrente: «Ces accrochages ne sont pas le fruit du hasard, mais bien le fait de personnes décidées à s'accaparer ces territoires. Il y a là beaucoup de trafic et à grande échelle, de drogue, de psychotropes et de grands réseaux de prostitution. Ce qui se passe la nuit est digne des grands films hollywoodiens.» Un jeune enfant nous raconte un fait insolite, mais révélateur d'une extrême insécurité : «J'ai perdu mon père la semaine passée et nous avons éprouvé toutes les difficultés du monde à procéder à son enterrement, parce que ces gens nous ont interdit de sortir sa dépouille, et c'est grâce à plusieurs interventions que nous avons pu le faire. Je garderai toujours ce souvenir douloureux.» A l'extérieur, des canalisations de gaz de ville ont été vandalisées ; d'ailleurs, les services de la SDE ont dû procéder à la coupure de cette énergie pour éviter le pire. Sur la chaussée, des pierres et des petits morceaux de ferraille qui ont servi de projectiles la veille, jonchent le sol. Ces images sont édifiantes sur une situation cauchemardesque. Plus bas, les deux établissements scolaires ont fait l'objet d'un saccage en règle, avec d'importants dégâts. Durant notre parcours dans ces lieux, nous avons aperçu des gamins qui s'attaquaient mutuellement avec des lance-pierres, à partir des terrasses de bâtiments. «Ça commence ainsi. Les jeunes ouvrent les hostilités durant le jour avant d'être rejoints, au crépuscule, par leurs aînés qui prennent la relève mais avec plus de rage et des moyens plus conséquents», relève encore un riverain. Les attaques durent toute la nuit et les belligérants tentent par tous les moyens de s'introduire dans les immeubles. Leurs menaces sont terrifiantes, témoigne-t-il encore. «Ils veulent nous inciter à renoncer à nos logements pour fuir un territoire qu'ils veulent pour eux seuls», soulignent, à l'unisson, des témoins qui pointent du doigt les services de police qu'ils accusent de passivité. Les violences qui secouent l'UV14, s'inscrivent en effet dans la durée, ce qui légitime des interrogations sur la capacité et la volonté des pouvoirs publics à y mettre fin.