Devant les nombreux invités de l'association Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA), Mohammed Harbi a indiqué qu'«un pôle de gauche peut constituer une alternative démocratique. C'est une possibilité, d'autant plus que la situation sociale dans notre pays est tout à fait dramatique pour les classes populaires et le monde ouvrier». Paris De notre correspondant Le conférencier n'a pas mâché ses mots pour dénoncer la situation économique et sociale du pays : «Dans les entreprises algériennes, on voit des rapports de travail de type sociétés précapitalistes. En Algérie, il y a une vraie lutte de classes qui ne dit pas son nom.» Refusant de s'inscrire dans le contexte d'une élection fermée, M. Harbi affirme que ce qui l'intéresse «dans l'alternative, c'est la fonction sociale des acteurs de la vie politique. Je suis intéressé par les classes populaire et ouvrière. Je voudrais un avenir où elles aient une place. C'est en fonction de cet avenir que j'analyse la situation, non pas en fonction de l'élection du 17 avril ou du 4e mandat». Une nouvelle phase dans la relation entre l'armée et le système politique Sur la supposée lutte de clans au sein de l'armée et du régime, l'ancien cadre du FLN s'adresse directement à l'opinion publique en lui demandant de «ne pas se laisser obnubiler par les luttes qui se passent aujourd'hui, en ce sens qu'il s'agit de luttes de factions». Fin connaisseur du système algérien, l'auteur de FLN, Mirage et réalité (1980), a expliqué que «la relation entre l'armée et le système politique qu'elle a créé est en train de connaître une nouvelle phase. Autrefois, la Sécurité militaire était le parti politique de l'armée. Aujourd'hui, l'armée a des partis. Et la police politique est devenue un appareil à la disposition de groupes particuliers». Selon lui, la tendance militariste de la vie politique algérienne «a été mise en œuvre depuis le CNRA du Caire de 1957». C'est à cette occasion que la primauté du politique sur le militaire, instaurée par le Congrès de la Soummam, a été effacée. Cela s'est confirmé avec la mainmise de l'état-major sur l'Etat après l'indépendance. «L'hégémonie du corps militaire sur la politique a connu trois phases. Le début était la création de l'état-major. Puis il y a eu l'alliance entre cette structure et Ben Bella pour accaparer le pouvoir. Enfin, le coup d'Etat du 19 juin 1965. Cela a provoqué plusieurs crises au sein de l'armée : avec plusieurs commandants du Nord-Constantinois, ensuite avec le colonel Chaabani. L'issue du conflit entre le colonel Tahar Zbiri et le colonel Boumediène a finalisé définitivement l'unification totale de l'armée. Cette hégémonie militaire a donc été acquise à partir de 1967», a précisé l'orateur. En plus du caractère militaire de l'Etat algérien, Mohammed Harbi affirme que le régime Boumediène a développé un fort caractère policier à travers la Sécurité militaire.«Quand Chadli arrive, il essaye de casser le pouvoir de cette police politique. Il n'a pas réussi puisque c'est lui qui est contraint de partir. A partir des années 1990, cette police prend la main dans tous les secteurs de la société. Les services avaient l'atout de contrôler la ‘fiche bleue', qui est l'appréciation qu'ils donnent sur les gens désignés à des postes. Cela a permis à la police politique de pénétrer dans tous les appareils de l'Etat. L'Etat algérien était donc l'armée et après c'est la police politique qui prend de plus en plus de pouvoir», a-t-il conclu.