Hier matin, les étudiants de l'université de Béjaïa sont descendus dans la rue. Ils étaient plus de 2000 à marcher sur le boulevard de la Liberté pour exprimer leur rejet de l'élection présidentielle et exiger une «transition pacifique et un changement radical du système». Rendez-vous a été donné par le biais des réseaux sociaux et des affichages de se regrouper sur l'esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche afin de permettre aux étudiants des deux campus de l'université et des nombreuses résidences de se rassembler. A 11h, l'esplanade ne pouvait plus contenir la foule des étudiants qui affluaient des quatre coins de la ville. Sans tarder, une imposante procession humaine s'ébranle, laissant derrière elle la façade en ruines de la maison de la culture, pour se diriger vers le siège de la wilaya où devait se tenir un rassemblement et une prise de parole. Du début jusqu'à la fin du parcours, les étudiants, qui agitaient de nombreuses banderoles et pancartes portant des slogans hostiles au système, ne tarissaient pas de formules tout aussi percutantes. «Djazaïr Houra dimocratia !» (Algérie libre et démocratique), «A bas la dictature, liberté d'expression !», «Système dégage !», «Bouteflika, Ouyahia, Houkouma irhabia !», «Ulac smah ulac !», «Chômage, harraga, programme Bouteflika !» étaient scandés par les étudiants. A mi-parcours, devant l'Hôtel des finances, le défilé, organisé en plusieurs carrés, marque un arrêt. Les étudiants sortent des slogans dénonçant la corruption et la dilapidation de l'argent public. «Serrakine, khedaïne, igoulou moussayirine !» (des voleurs et des traîtres qui se disent dirigeants), «Non à l'impunité ! Que les voleurs payent !» crient-ils pendant quelques minutes, avant de reprendre leur marche. En fin de parcours, un dispositif policier, composé de quelques agents de l'ordre public et d'une dizaine de CNS, les attendait devant le portail de la wilaya. Qu'à cela ne tienne ! Les étudiants, qui n'arrêtent pas d'insister sur le caractère pacifique de leur mouvement, accrochent deux banderoles sur le portail. D'autres improvisent une prise de parole où ils expliquent qu'ils «se démarquent de tous les mouvements, de toutes les chapelles politiques et des clans qui se disputent le pouvoir», avant de faire la lecture d'un communiqué. «Le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues est de rompre catégoriquement et définitivement avec la tyrannie qui s'est intronisée depuis un demi-siècle», a martelé un étudiant, membre actif du mouvement. Dans le communiqué, les étudiants dénoncent «le regain d'acharnement contre toute contestation qui obéit à la logique attentatoire de ce système». Comme objectif, le mouvement libre des étudiants inscrit son combat dans l'optique d'«un changement pacifique, fidèle aux principes démocratiques refondant et reconstituant la citoyenneté et la liberté», nous explique Bilal, une autre figure du mouvement, qui précise que l'action est dirigée «contre tout despotisme ou soumission nationale ou internationale». L'action s'est déroulée dans le calme et sans incident. Avec ce mouvement libre des étudiants, c'est le camp du rejet de l'élection et du changement qui se renforce.A une semaine de l'échéance électorale, l'opposition est presque seule à occuper le terrain et ne cesse de s'élargir à Béjaïa, tandis que la campagne électorale, qui approche de sa fin, demeure plate, avec comme seul relief le meeting empêché de Sellal et le lot de violences et de destructions qu'il a engendré.