Le directeur général de la Ville au sein du ministère de l'Habitat, Kamel Touati, a révélé, il y a quelques semaines, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio algérienne un des motifs de la visite en Algérie de l'ex-Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault en décembre dernier : «La volonté de l'Algérie et la France de créer une agence de villes méditerranéennes qui va s'étendre ensuite aux pays du bassin méditerranéen». Le but, dit-il, «est d'avoir un même référentiel et travailler sur les mêmes normes pour mettre à niveau et au même standard nos villes», c'est-à-dire les villes algériennes et françaises. Ce projet, poursuit-il, concerne ce qu'on appelle «le renouvellement urbain», à travers lequel tout le tissu urbain sera revu, mais aussi les villes nouvelles. Sauf que l'on est en droit de nous interroger sur le modèle de ville du littoral algérien. Ce dernier sera-t-il recadré sur le paradigme de la cité de la rive nord de la Méditerranée avec tous les agrégats dignes de son statut de ville ? Réussira-t-on le challenge de mettre à niveau nos médinas avec les mégalopoles que sont Marseille, Sète, Toulon, Barcelone et autres Gênes, Valence, et Izmir dont l'organisation spatiale renvoie à un tissu urbain dont la conception est réfléchie ? On parle de ville, ce qui suppose urbanisme, urbanité, citadinité, civilité ; autrement dit, la matrice disciplinaire, synonyme de traits positifs d'un comportement qui repose sur le respect de l'autre, le sens de l'esprit collectif, les bonnes mœurs et usages communs urbains… Or, n'ayons pas peur de porter les mots sur les maux dont pâtissent nos villes dont le décor urbain est loin, voire très loin d'être attrayant. Des cités dont les gestionnaires n'ont de cesse de faire chou blanc depuis des décades dans les programmes censés faire sortir la ville qu'ils administrent de sa «rurbanité». Des villes dont les «neqâyîne», ces agents collecteurs de l'Epic Netcom sont dénommés à tort «zebalîne». Des cités amochées à longueur de journée et de nuit de monticules de tonnes d'ordures au détour de chaque rue et venelle. Des villes dont les travaux de voirie viciés sont fréquemment commis par des sous-traitants sous l'œil impassible des donneurs de marchés. Des villes où l'informel reconquiert de plus belle l'espace public. Des villes où le service public ahane en dépit de la batterie de textes supposés alléger le tracas des citoyens. Des villes où le réflexe citoyen est aux antipodes de l'écogeste. Des villes où le transport en commun privé fait à sa tête, levant le pied dès 18h. Des villes où le couvert végétal se rapetisse au fil des ans au profit d'un béton gargantuesque. Avec toutes ces tares qui freinent l'essor d'une ville digne de son nom, l'Algérois (administré et gestionnaire) est-il dans l'urgence de voir poindre une agence de villes méditerranéennes à même de le conformer à une urbanisation répondant au standard occidental ? Ou devra-t-il saisir d'abord que la ville doit avoir une figure, une âme ? Une ville dans laquelle on ne pourra vivre seuls ou séparés ?