Le squat de la voie publique se fait de plus en plus agressif ces dernières années sur le tissu urbain. L'espace commun s'amenuise, prêtant le flanc à l'anarchie urbanistique. On ne parle pas des favelas qui prolifèrent dans le temps et dans l'espace, mettant devant le fait accompli les pouvoirs publics qui, soit dit en passant, continuent à nous rassurer que « désormais, les bidonvilles seront démolis et l'habitation précaire résorbée ». A dire vrai, plus ces habitations illicites sont montrées du doigt par les médias, plus elles bravent la puissance publique. Plus le premier magistrat de la wilaya d'Alger monte au créneau en donnant des gages de les éradiquer à jamais, plus elles semblent s'enraciner pour meubler de plus belle le décor de la mégapole et sa périphérie. Plus on s'égosille à dire qu'il y a péril en la demeure, plus on trouve un malin plaisir à l'étouffer, voire l'amocher. Dans le même registre ou parallèlement, le fléau s'étend à une autre catégorie de gens, cette espèce de voleurs de lopins de terre qui fait montre d'appétit gargantuesque pour s'approprier ce qui ne lui appartient pas, au moment où une autre caste d'irréductibles fait main basse sur la voirie, un bien supposé revenir de droit à la collectivité. On y greffe une superficie à son local pour fructifier la valeur marchande, on y installe, sans bourse déliée, des échoppes sur le trottoir, on y opère des extensions de villas — avec ou sans permis de construire — sur des aires de « taâ beylek », on rogne sur les terrains domaniaux, on rapetisse la chaussée, on boucle une rue, on transforme, sans coup férir, une EAC en coopérative immobilière, on s'adjuge une buanderie de terrasse d'immeuble pour en faire un F3, on y construit le soir, les week-ends et pendant les fêtes pour déjouer la vigilance de « la police de l'urbanisme »... Que cela soit à Bachedjarrah, El Hamiz, El Harrach, Khracia ou encore à Bab El Oued, le fléau devient frappant, voire alarmant, et chacun semble aller de sa propre règle de vie avec cette devise de « tout ce qui n'est pas à moi, j'ai le droit de m'en servir ». Mais c'est comme prêcher dans le désert, me diriez-vous. En effet, tant qu'on continue à graisser de quelques subsides les différents maillons occultes de l'administration, il n'est pas évident que cela disparaisse.