A défaut de s'expliquer sur ses biens et ses comptes bancaires en France, le trublion Amar Saadani a fait appel à un cabinet d'avocats français pour sommer un journal électronique algérien de supprimer l'article ayant repris des informations le concernant. Il menace de le faire supprimer dans un délai de cinq jours par la société qui héberge le site. Cela rappelle son intervention auprès de l'ancien ministre de la Justice pour faire enlever le nom de Chakib Khelil du dossier Sonatrach. C'est à partir de la France que Amar Saadani, secrétaire général du FLN, a choisi de riposter aux graves révélations sur ses biens dans ce pays. Il a fait appel à un cabinet d'avocats parisien pour retirer du site algérien Algériepatriotique l'article qui reprend les informations publiées le 15 avril dernier par l'ancien journaliste du Canard enchaîné, Nicolas Beau, sur le site qu'il dirige, Mondafrique. Selon ce dernier, «au mois de septembre dernier, juste après son élection en tant que secrétaire général du FLN, Saadani est venu à Paris pour dissimuler sa fortune : deux grands appartements, dont un sur l'avenue de la Grande Armée dans le 16e arrondissement très chic de Paris. Ce dignitaire algérien possède surtout un compte en banque confortable, détenu dans une des premières banques françaises. Soit, d'après nos informations, 300 millions d'euros». Et de préciser plus loin que «ce sont ses deux enfants, dont l'un réside à Paris et l'autre à Londres, qui sont chargés de rendre intraçable cette colossale fortune». Nicolas Beau s'est interrogé sur l'origine de cet argent d'autant, avait-il souligné, que le nom de Saadani «est intimement lié» au scandale de «détournement des fonds alloués à la Générale des concessions agricoles (GCA), des fonds estimés à 550 millions de dollars». Lancées à la veille du scrutin, ces informations ont fait un buzz sur les réseaux sociaux avant d'être repris par la presse électronique, dont Algériepatriotique.com. Hier, la direction de ce site algérien a reçu une mise en demeure du cabinet d'avocats Lussan domicilié à Paris, constitué par Saadani, la sommant de retirer, dans un délai de cinq jours, le contenu de l'article. Le cabinet d'avocats estime que les informations selon lesquelles Saadani dissimule une fortune de 300 millions d'euros sont dénuées de fondement et constituent un délit de diffamation. Le cabinet menace de saisir l'hébergeur du site pour exécuter le retrait de l'article en question dans le cas où Algériepatriotique.com n'obtempère pas à la mise en demeure. Il est quand même étrange que le cabinet d'avocats français mette en demeure un site algérien, Algériepatriotique.com, de retirer un article repris d'un autre site, Mondafrique, où il est disponible à ce jour. Mieux, le cabinet Lussan nie les révélations de Nicolas Beau qu'il juge diffamatoires, mais s'abstient de recourir à la justice parce qu'il sait bien que le journaliste est connu pour son professionnalisme. Il n'aurait pas publié des informations aussi importantes s'il n'avait pas la certitude de ce qu'il a écrit. En supprimant la reprise du site algérien, Saadani compte-t-il faire oublier à l'opinion publique que son nom a bel et bien été mêlé au scandale de la GCA, même si, à ce jour, la justice ne l'a pas rattrapé parce que les sociétés qui ont ruiné ce fonds ne lui appartiennent pas directement, mais à certains membres de sa famille. Le recours à un cabinet d'avocats «pour effacer des écrits» nous rappelle son intervention auprès de l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, pour le pousser à supprimer le nom de Chakib Khelil, ex-ministre de l'Energie, du dossier Sonatrach. Visiblement, Saadani ne sait pas que quoi qu'il fasse, il ne peut effacer de la mémoire de nombreux cadres de la GCA laminés par la machine judiciaire et des enquêteurs de l'Inspection générale des finances qui ont fait éclater le scandale de la GCA que son nom a été bel et bien cité dans cette grande opération de dilapidation des deniers censés être utilisés pour le développement agricole. Ses dernières attaques contre le DRS, qu'il a accusé d'avoir créé des dossiers de corruption pour salir l'entourage du Président, entrent dans cette logique de négation de plus d'une décennie de rapine qui a fait de beaucoup de gens, dont Saadani, des riches et des puissants. Peut-on savoir où Saadani va-t-il puiser pour s'acquitter des honoraires de ce cabinet d'avocats qu'il a constitué, un des plus importants et réputés, juste pour supprimer un article d'un site algérien ? Jusqu'à preuve du contraire, Saadani n'est pas censé avoir une activité commerciale en France qui lui permette de constituer un cabinet d'avocats. Les graves informations données par Nicolas Beau auraient dû faire réagir les autorités chargées de la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent en France, mais surtout en Algérie. Une telle fortune ne s'accumule pas aussi rapidement sans avoir une activité commerciale ou économique, et ne peut être transférée de l'Algérie vers la France sans justification, sauf si elle passe par le marché informel. Au lieu de saisir un cabinet d'avocats pour supprimer un article d'un site électronique, Saadani aurait dû répondre aux graves accusations de faits de corruption et de blanchiment révélés par le journaliste d'investigation Nicolas Beau. Mais pour Saadani, il est plus facile de faire taire les voix en Algérie, notamment après les résultats du scrutin de jeudi dernier, que d'apporter la contradiction à ceux qui l'accusent en France.