La marche pour la célébration du 34e anniversaire du Printemps berbère, qui devait avoir lieu hier dans la ville de Tizi Ouzou, a été violemment empêchée par les forces de l'ordre à 10h30, avant que cette manifestation pacifique, prévue à 11h, ne démarre de l'université Mouloud Mammeri. Rappelons que la veille, des appels à la marche avaient été lancés par d'ex-animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB), du RCD et du MAK. Ils étaient des centaines à avoir répondu à ces appels pour célébrer cette date symbole des luttes pour les libertés démocratiques et la cause identitaire.Tôt la matinée, un impressionnant dispositif sécuritaire est déployé sur les lieux. Deux cordons de sécurité sont placés devant et derrière la foule. L'action a vu la participation de centaines de citoyens, artistes, anciens animateurs du MCB, militants du MAK, du RCD, du FFS, cadres et personnalités politiques. A 9h, les premiers manifestants arrivent déjà sur les lieux. A cette occasion, les marcheurs brandissaient des drapeaux amazighs et des banderoles exprimant l'officialisation de tamazight et le rejet du système. Les manifestants du premier carré de la marche scandent des slogans hostiles au pouvoir : «Ulac smah ulac (pas de pardon)», «Pouvoir assassin», «Assa azekka, tamazight thella thella (aujourd'hui et demain, tamazight demeurera toujours)», «Corrigez l'histoire, l'Algérie n'est pas arabe»... A 10h30, la situation dégénère lorsque les éléments des forces antiémeute chargent à coups de matraque les premiers manifestants, qui voulaient marcher pacifiquement depuis le campus de Hasnaoua vers le rond-point du centre-ville. La furie s'installe.
Des dizaines de marcheurs rebroussent chemin pour fuir la répression violente des services de sécurité. Des protestataires ripostent par des jets de pierres et autres projectiles qu'ils trouvent sur leur passage. Les marcheurs courent dans tous les sens. Des jeunes sont interpellés dans le feu de l'action. «Ouvrez le portail de l'université», clamait une jeune fille qui cherchait un refuge. Les affrontements ont duré près d'une heure avant que la situation ne s'apaise, suite à un appel au calme lancé par les encadreurs de la marche. «Nous voulons faire une marche pacifique pour marquer une date symbolique des Amazighs. Ne répondez pas à la provocation», lance un militant du MAK aux jeunes manifestants à l'aide d'un mégaphone. Les échauffourées ont engendré des blessés légers parmi les manifestants. Renseignements pris, la Protection civile a dépêché une ambulance pour acheminer les personnes touchées par les projectiles et lors des bousculades avec les forces de sécurité. Après quelques minutes d'accalmie, des manifestants reprennent les slogans antipouvoir ; ils franchissent la «muraille» de policiers dressée devant eux et marchent en direction de la ville. Des dizaines de fourgons de CNS ont été placés près du stade du 1er Novembre pour empêcher les manifestants d'avancer. Derrière leurs boucliers, les éléments des forces de sécurité tirent des bombes de gaz lacrymogène pour disperser la foule. Jusqu'à 17h, des escarmouches subsistent au carrefour du 20 Avril où une bataille rangée est déclenchée entre CNS et manifestants. Dans une déclaration parvenue à notre bureau, les signataires de l'appel du MCB pour la commémoration du 34e anniversaire du Printemps berbère «dénoncent avec la plus grande fermeté l'empêchement à Tizi Ouzou de la manifestation qui devait se tenir dans un cadre rassembleur, unitaire et pacifique». La répression de cette marche, ajoutent-ils, constitue un acte grave et porte atteinte au 20 Avril, date historique et symbole du combat amazigh et des libertés démocratiques.«Des provocations manifestes des forces de répression ont transformé une manifestation qui se voulait pacifique en émeutes avec de nombreux blessés, des interpellations et la violation de la franchise universitaire. Le pouvoir porte seul l'entière responsabilité de cette agression et des conséquences qui en découlent», soulignent les organisateurs de la marche. Pour eux, «le message du pouvoir qui vient de s'arroger une rallonge de cinq ans ne souffre aucune nuance quant à sa politique de déni de toutes les libertés et notamment de celle relative à la revendication amazighe». Les rédacteurs de la déclaration appellent enfin «l'ensemble des militants de la cause amazighe, toutes tendances confondues, à une large concertation pour dégager les voies et moyens à même d'imposer notre combat».