Toujours aussi lente, mais aux effets qui semblent irrémédiables, la dérive se poursuit en Ukraine, avec, cette fois, une extension du conflit, à supposer bien entendu que cela n'ait pas encore été le cas. Au point où la planète en est à s'interroger sur le risque que ce conflit fait courir à la région, et au-delà, même si pour les spécialistes, cela paraît improbable, impensable. Comment alors considérer les propos, hier, du chef de la diplomatie russe affirmant que «si nos intérêts, nos intérêts légitimes, les intérêts des Russes étaient attaqués directement, comme par exemple ils l'avaient été en Ossétie du Sud (territoire séparatiste en Géorgie, ndlr), je ne vois pas d'autre manière que de répondre dans le respect du droit international». Ou encore, ajoute Sergueï Lavrov, «une attaque contre les citoyens russes est une attaque contre la Russie». On se rappelle qu'en 2008, une guerre éclair avait opposé la Russie à la Géorgie, à l'issue de laquelle Moscou a reconnu l'indépendance de deux territoires séparatistes dans ce petit pays du Caucase, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Autant parler de dérive, lente peut-être mais bien réelle, tandis que les Etats-Unis viennent d'accuser la Russie de pousser au démembrement de l'Ukraine. Sauf que l'échange entre les deux grandes puissances ne fait que s'intensifier et se durcir, avec un échange d'accusations, comme celle des Russes selon lesquelles les décisions du pouvoir ukrainien seraient «dirigées» par les Etats-Unis. «Il est clair qu'ils ont choisi le moment de la visite du vice-président américain pour annoncer la reprise de l'opération, parce que l'opération avait été déclenchée immédiatement après la visite à Kiev de John Brennan (patron de la CIA, ndlr)», a déclaré M. Lavrov. Quelques heures seulement après le départ du vice-président américain, Joe Biden, en visite officielle à Kiev, le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, a annoncé la reprise de l'opération «antiterroriste» dans l'Est, suspendue avant Pâques. Dans cet échange d'accusations, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a fait part mardi à Sergueï Lavrov de sa «profonde inquiétude» quant au manque de «mesures positives» russes pour mener à une désescalade de la situation en Ukraine. Et l'on reparle de Genève comme si cela ne pouvait suggérer que l'échec et rien d'autre. Ce qui est totalement infondé, l'acte de guerre ou de paix n'a jamais été lié à un lieu, mais aux hommes qui prennent des décisions. En ce sens, les Américains se montrent très présents, menaçant d'accentuer leurs sanctions ou encore de passer à une nouvelle phase. «Il est temps de cesser de parler et de commencer à agir (...). Nous devons voir des mesures prises sans délai, le temps est compté», a ainsi déclaré le vice-président américain. Ce nouveau palier, s'il venait à être décidé, consisterait en des mesures visant des secteurs entiers de l'économie russe sans que cela perturbe les responsables de ce pays. Mais le ton employé est grave, avec des propos aussi lourds que précis. Serguei Lavrov s'est montré très clair en parlant d'«intérêts légitimes des Russes» et d'«attaque contre des citoyens russes». Il a bien rappelé ce qui est arrivé en 2008, mais il a toutefois dit que si cela devait arriver, cela se fera «dans le respect du droit international», lequel relève-t-on, traite effectivement des conflits, mais peut-être davantage des voies de leur règlement, politiques bien entendu. La tension ne fait donc que s'accroître, jusqu'à quel niveau ?