En décidant de faire arrêter et d'incarcérer le prince Victor Emmanuel, 69 ans, fils du dernier roi d'Italie Umberto II, le magistrat, d'origine anglaise, du tribunal de la petite ville de Potenza, située au sud de l'Italie, Henry John Woodcock, est devenu le juge le plus détesté et le plus craint de plusieurs hommes politiques italiens. L'ancien ministre des Affaires étrangères Gianfranco Fini, dont le porte-parole Salvatore Sottile a été placé aux arrêts domiciliaires, est le plus furieux de tous, contre le juge « téméraire ». « Dans un pays sérieux, M. Woodcock aurait déjà changé de métier », a dit, scandalisé, l'ancien chef de la diplomatie du gouvernement de Silvio Berlusconi. Car la « chute » du prince Victor Emmanuel de Savoie, arrêté dans le canton suisse de Campion et conduit en Italie, où il doit répondre du chef d'accusation « association de malfaiteurs visant à la corruption et à l'exploitation de la prostitution », a entraîné avec elle la mise en examen de plusieurs hommes politiques et de stars de la télévision. L'enquête parle de services rendus au prince pour son casino, et des faveurs que ce dernier garantissait en usant de ses bonnes relations, sous paiement. Les Italiens, qui ont banni la monarchie lors du référendum historique de 1946, auraient préféré ne plus entendre parler de la dynastie des Savoie, considérée comme traître et lâche, car ayant fui de l'Italie après l'avoir livrée aux fascistes. En 2002, il a fallu voter une loi spéciale pour permettre aux Savoie, interdits de séjour en Italie et expropriés de tous leurs biens, de fouler à nouveau le sol italien. Samedi matin, tous les journaux de la péninsule semblaient des revues people, portant des titres sarcastiques comme : « Sexe et casino, la chute d'un roi manqué » ou « Une affaire pas très royale ».... Il faut dire que le prince Victor Emmanuel, qui aurait dû devenir roi d'Italie après son père Umberto II, n'a jamais trouvé grâce aux yeux de ses concitoyens. Avec son accent suisse, ses manières gauches et son humour indigeste, il leur inspirait plus de l'antipathie que de la déférence. Le quotidien milanais il Corriere Della sera ne fait pas dans le chauvinisme piémontais, région de laquelle est issue la famille des Savoie, et tire à boulets rouges sur le prince en publiant les déclarations des deux sœurs de Victor Emmanuel qui suggèrent de l'appeler désormais « Monsieur Savoie » et non plus « son Altesse royale ». Il Corriere Della sera, qui consacre pour la troisième édition consécutive ses six premières pages à l'arrestation du prince Victor Emmanuel, titre ironiquement, en reprenant des paroles attribuées au détenu royal, « Promis, je ne me suiciderai pas ». Mais il faut dire que le sort du prince déchu n'inquiète pas outre mesure les Italiens, qui préfèrent plutôt en rire. Une nouvelle mode a fait son apparition ces jours-ci, celle d'envoyer des Sms qui récitent : « Pauvres de nous. La squadra azzurra est nulle et le roi est proxénète ». Et ce ne sont pas les natifs de la Sardaigne qui vont défendre le prince Victor Emmanuel, car des conversations écoutées par les magistrats révèlent que ce dernier traite les Sardes « de chèvres qui puent ». D'où le titre au vitriol du quotidien sarde La Nuova Sardegna : « Qui c'e puzza di re ». Traduction : « Ici, cela pue le roi. » Le journal sarde rappelle que Victor Emmanuel a peut-être oublié que sa famille représentait le royaume du Piémont et de la Sardaigne.