Les hôpitaux publics servent désormais à orienter les malades vers les cabinets de radiologie et les cliniques privées. Le panneau en haut du bâtiment est énigmatique : «EPH Azazga». Il ne s'agit pas d'une entreprise hydraulique ou de produits phytosanitaires, mais d'un hôpital. Un «H» aurait suffi pour annoncer la vocation hospitalière de la structure. En y accédant, il y a une chance sur deux d'être réorienté vers un autre établissement ou clinique. Les témoignages se succèdent depuis de nombreuses années mais aucune solution n'a été apportée pour faire de cet hôpital de 270 lits un établissement capable de prendre en charge réellement les patients. Une parturiente n'est pas malade, mais dans le système de santé publique, elle le devient. Et son bébé sera soigné, dès les premiers jours de sa vie, pour infection ou risque infectieux dus aux lenteurs dans la prise en charge de la maman à son admission au service de maternité. 270 lits, aucun gynécologue La direction de la santé de la wilaya de Tizi Ouzou étant incapable de doter les hôpitaux publics d'encadrement médical pouvant assurer les soins aux malades, il devient urgent que les associations organisent des journées pour sensibiliser et préparer notamment les femmes aux dispositions à prendre pour éviter des hospitalisations périlleuses. Admise la semaine dernière à la maternité de l'hôpital Meghnem d'Azazga, une parturiente est gardée toute la journée au service avant que le personnel décide, en début de soirée, de son évacuation à la clinique obstétrique S'bihi à Tizi Ouzou (40 km de distance). Les sages femmes ne sont pas prêtes à assurer l'accouchement en l'absence de l'obstétricien. Celui-ci, un gynécologue exerçant dans le privé et conventionné avec l'hôpital, avait fini sa garde à 17h et se déclare indisponible pour raison de colloque scientifique. «Comptez sur Dieu !», aurait-il simplement rétorqué au téléphone. Inutile aussi de compter sur un autre gynécologue «cabinard», sollicité le soir, il s'excuse de ne pouvoir être là pour ce cas d'urgence, accentuant ainsi les défaillances de la santé publique dénoncées en chœur depuis une vingtaine d'années. Evacuée de nuit à Tizi Ouzou, la parturiente est admise à la clinique Sbihi, non sans quelques réprimandes à l'adresse des infirmières accompagnatrices. «Vous auriez pu la prendre en charge à Azazga !», lance-t-on aux blouses blanches de l' «EPH». Celles-ci répondent : «Voulez-vous qu'on la reprenne ?». C'est le scénario catastrophe pour une parturiente que la santé publique veut rendre malade sur nos routes cahoteuses. Ou pire… L'accouchement eut lieu finalement le lendemain matin, mais il faut évacuer le bébé au service de pédiatrie d'Azazga, en raison d'un «risque infectieux» dû au retard dans l'accouchement, lui-même dû à l'indisponibilité d'un obstétricien au service de maternité. Retour à l'hôpital d'Azazga pour la maman et le bébé, qui devra inaugurer son premier traitement d'antibiothérapie. Service radiologie sans radiologue Mais ce n'est tout. Le médecin prescrit une échographie pour le bébé. L'appareil d'échographie existe à l'hôpital mais il n'y a pas de médecin radiologue pour le faire fonctionner. Le bébé est sorti de son hospitalisation pour être emmené dans un cabinet privé de radiologie dans la ville d'Azazga. Est-ce la fin des allers-retours ? Non, il faut refaire l'examen radiologique dans une clinique privée, distante d'une vingtaine de kilomètres. Autre déplacement pour le bébé d'une semaine que le système de santé publique trimbale sur les routes poussiéreuses de la région, au risque de le rendre malade alors que la nature l'a fait sain. Dans cet océan de défaillances et de dysfonctionnements que sont devenus les hôpitaux publics, les administrations concernées n'apportent aucune réponse concrète ou mesure devant les témoignages des patients et de leurs familles, pris dans l'engrenage des évacuations, des transferts, des rejets de responsabilité. Seule réponse coutumière des hôpitaux, la mise au point, qui, en règle générale, ne fait que confirmer les défaillances et en promettre d'autres. Nous nous sommes rendus dimanche à la direction de l'hôpital pour une entrevue avec la première responsable de la structure. «En mission», nous dira l'adjoint, qui fera seulement remarquer que la pression sur le service de gynécologie sera encore plus forte l'été prochain.