On a rarement vu un chef de l'Etat nourrir son discours de ses frustrations, sur les défauts de réalisation des projets de développement, déclinées publiquement dans un marketing politique inédit. Le fait aurait bien pu ne pas sortir de l'enceinte du conseil des ministres. Il est vrai, cependant, que la réunion gouvernement - walis, organisée dimanche à Alger, offre une opportunité certaine pour mettre à nu les tares du fonctionnement de « la machine » d'Etat. Bouteflika en a usé pour dresser un état des lieux sombre de l'engagement ou de l'implication de certains de ses ministres ou walis pour dire tout haut son mécontentement. Ce n'est pas la première fois qu'il leur fait ce procès. A telle enseigne que l'on subodore un malaise dans la structure de l'Etat entrepreneur. Le pays a engagé un programme économique d'envergure en y injectant plus de 100 milliards de dollars sur une période de cinq ans. Si alors le discours récriminateur du président se fait si insistant à chacune de ses apparitions publiques, c'est que l'Etat semble empêtré dans une entreprise à bas régime. Retard dans les délais de réalisation des projets, surcoûts, défaut de qualité des ouvrages sont autant de « taches noires » qui compromettent le développement économique et social. Mais une question centrale s'impose à tout cela. Pourquoi donc une si mauvaise gestion des ressources publiques tant décriée par le « maître de l'ouvrage » ? Le fait est-il celui d'un ministre en mal de compétence ou d'engagement ? Ou celui d'un système politique aussi fermé que le système politique algérien qui ne favorise donc guère la « bonne gouvernance ». C'est démontré, l'absence de système démocratique dans un pays constitue un frein à la croissance économique. Une structuration démocratique de l'Etat a pour vocation de mieux servir les intérêts de la nation en ce sens que la transparence serait mieux assurée et la mobilisation des énergies garantie. Alors qu'au plan technique, il faut peut-être bien rappeler que nombre d'économistes algériens ont déjà eu à souligner par le passé les faibles capacités de notre économie à absorber les sommes colossales d'argent qui y sont injectées. Le plan triennal de 2001 pour le soutien à la croissance économique n'a, selon le Conseil national économique et social (CNES), contribué qu'au faible taux de 1%. Ajouter à cela, de l'aveu même de l'ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, le manque d'expertise et le sous-encadrement dont souffre le pays. Il est à remarquer par ailleurs qu'à côté des critiques formulées par le chef de l'Etat à l'endroit de la mauvaise gestion, aucun établissement d'analyse de la conjoncture ou de la production des statistiques ne fait office d'organe d'alerte ou de veille quant au suivi des grands travaux. « Les chiffres sont dangereux », a dit Bouteflika. La mise en place d'un établissement autonome de production des statistiques reste une urgence toute indiquée. En somme, cet aveu d'impuissance à bien gérer les affaires du pays n'est-il pas la traduction d'un système de gestion improductif ?