Une fausse solution pour une vraie crise. L'ancien candidat à la présidentielle, Ali Benflis, réprouve la démarche du pouvoir en vue de réviser la Constitution, tel qu'énoncé dans la déclaration de Abdelaziz Bouteflika lors de son investiture. Benflis y voit une «manœuvre» orchestrée par le régime en place de manière «peu subtile pour déplacer l'attention et le débat vers une révision limitée et parcellaire de la Constitution». Un acte de diversion. Dans une déclaration rendue publique, le rival de Bouteflika juge qu'à travers l'offre de révision constitutionnelle, le régime «rejette les propositions d'une conférence nationale ou d'un mandat-transition comme cadres consensuels organisés de refondation du système politique algérien». Un déni. Une erreur d'analyse, selon Ali Benflis, qui porte sur «la lecture de la crise actuelle et ses origines, la démarche à suivre, les mécanismes politiques et les objectifs à fixer pour surmonter cette crise». L'ex-candidat, qui dit que la victoire présidentielle lui a été «confisquée», estime ainsi que le chantier des «réformes politiques», que compte engager le pouvoir à l'aube du quatrième mandat de Bouteflika, pèche par des insuffisances intrinsèques qui le destine à être «sans effet sur la crise politique et institutionnelle dont il feint d'ignorer la nature et les causes véritables». Ali Benflis, qui depuis le scrutin présidentiel conteste la légitimité du président «élu», dissèque les limites d'une démarche qui «se trompe sur les causes de la crise la réduisant à de simples failles constitutionnelles. Elle n'est pas crédible car les chantiers de la révision constitutionnelle sont ceux-là mêmes que le régime a durant quinze ans ignorés, affaiblis ou réprimés». Les griefs de Benflis ne s'arrêtent pas là. Il reproche également, aux tenants de cette option, le fait d'accorder à l'opposition le rôle de «cautions politique et morale à une initiative dont le régime a déterminé unilatéralement les limites et dont il a fixé seul les modalités et les règles». En définitive, Benflis considère que la démarche du pouvoir est dictée ni plus ni moins par un souci tactique, qui ne saurait rester sans conséquence. L'impasse globale dans laquelle se trouve le pays «exige plus que les ravalements constitutionnels de façade que le régime en place propose», tance encore Benflis. Estimant que la crise que traverse le pays découle d'une crise de légitimité qui a conduit à une impasse politique, Ali Benflis exige la mise en place d'un «processus politique dont le point de départ devra se traduire nécessairement par un retour à la volonté populaire comme source de légitimité et par la mise en capacité des institutions de la République d'assurer leurs missions constitutionnelles». La révision de la Constitution du point de vue de l'ancien candidat à la présidentielle devra se concevoir comme «le couronnent d'un processus politique ou l'opposition tiendra un rôle de partenaire effectif et non de simple caution». Pour rappel, l'équipe au pouvoir décline ce que sera le contenu de la future trituration de la révision de la Constitution. Elle porte essentiellement sur «la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice, le rôle du Parlement, la place de l'opposition et enfin les libertés des citoyens». Des principes qui pourtant sont consacrés dans l'actuelle Constitution et qui sont, par ailleurs, souvent piétinés. Ce qui fait dire à l'ensemble de la classe politique que le problème réside souvent dans le non-respect du texte fondamental. Régulièrement, les spécialistes ne manquent pas de souligner avec force l'entorse qui est faite à la Constitution. Au mieux le pouvoir formel sert de caution aux choix pris dans l'ombre, au pire, le pouvoir informel dame le pion carrément aux institutions de façade. Manifestement, les décideurs s'emploient à redonner un semblant de légitimité à une quatrième mandature de Bouteflika fragilisée à tout point de vue, en tentant un énième bricolage constitutionnel.