Quand, le 20 avril, un vidéaste filme le passage à tabac d'un manifestant lors de la marche interdite en Kabylie, les images sont rapidement reprises par les internautes et contraignent le patron de la DGSN à annoncer la constitution d'une commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les agissements des forces de police. Même effet avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dont les propos sur les Chaouis sont repris et diffusés sur la Toile, provoquant un tollé de toute une région du pays et obligeant celui qui était en charge de la campagne présidentielle d'annuler son meeting à Batna malgré des excuses officielles.«L'impact des réseaux sociaux sur l'opinion publique est très forte, estime Lounes Guemache, patron du site d'information en ligne Tout sur l'Algérie (TSA). Cela devient une machine redoutable.» Car internet a inauguré l'ère du «buzz». N'importe quelle information, surtout si elle est dérangeante et non destinée à une diffusion publique, peut circuler longtemps sur la Toile et connaître un gros succès médiatique. Et impossible de l'arrêter ou même de la freiner. Cette nouvelle donne a poussé les patrons de presse et des sites d'information à repenser leur façon de travailler. «On n'a plus le monopole de l'information, renchérit El Kadi Ihsane, patron du site Maghreb Emergent. Aujourd'hui, il y a une multitude de sources et on doit faire avec. Il y a en outre l'émergence de leaders d'opinion qui concurrencent des médias.» Aujourd'hui, les sites d'information et la presse papier n'ont plus l'exclusivité de l'information ; ils doivent composer avec les réseaux sociaux. Pour certains professionnels, le fait que le citoyen puisse remplacer complètement le journaliste est une idée qui a fait son temps. Face à la multiplication des canaux de diffusion, les règles journalistiques de vérification, de mise en perspective et de déontologie n'ont jamais autant été nécessaires. «On ne peut pas avoir leur rapidité, reconnaît le patron de TSA. Aujourd'hui, les Algériens vont sur les réseaux sociaux pour avoir de l'info en temps réel, puis ils vont sur des supports considérés comme des labels pour vérifier si l'information est bonne.» «Nous devons donner une autre dimension à l'information diffusée sur la Toile, affirme El Kadi Ihsane. Notre rôle, aujourd'hui, est de traiter l'information selon les standards journalistiques. La Toile ne pourra jamais remplacer le traitement et l'analyse que peut apporter un journaliste professionnel.» Le rôle actif des internautes et des réseaux sociaux lors du Printemps arabe a permis aux Algériens de prendre conscience de la puissance de la Toile et de la liberté d'expression qu'elle offre. Pour le spécialiste des médias, la multiplication des pages facebook ou des vidéos diffusées sur YouTube souligne la volonté des internautes d'empêcher que l'information soit passée sous silence. «Les réseaux sociaux transgressent les interdits, juge Belkacem Mostefaoui, professeur à l'Ecole supérieure du journalisme. Elle libère de la censure des pouvoirs publics et permet également de casser les tabous.»