Au Sénégal, les cinéastes sont de plus en plus nombreux à travailler en vidéo. La plupart sont devenus producteurs et distributeurs. Ce n'est pas une mince affaire que d'être cinéaste à Dakar. Trois films long métrage sont produits chaque année. Souvent, c'est moins. Les vingt salles du pays diffusent soit Harry Potter, soit quelques séries « z » américaines, soit des vidéos. Tout cela pour dire que le cinéma sinistré laisse la place à la vidéo. Pour produire des films publicitaires, des clips, des documentaires et aussi des histoires basées sur de vrais scénarios fiction. Une ONG norvégienne fournit les moyens et l'argent nécessaires, elle forme des jeunes réalisateurs qui investissent peu à peu le paysage audiovisuel, aux côtés de leurs ainés. Dakar veut devenir Lagos dans le domaine de la production vidéo. Pour le moment, Lagos est très loin devant, produisant des milliers de films vidéo qui sont diffusés au Nigeria et vendus sur le marché africain à des prix imbattables. Si, donc, côté film, la situation dans toute l'Afrique est très morose, côté vidéo, c'est plutôt très florissant. Faute de salles, les films réalisés en vidéo numérique sont montrés dans les quartiers, en fait n'importe où, en fixant l'entrée à un prix très modique. Sinon voir Harry Potter dans une salle (chic) de Dakar, c'est hors de portée du spectateur sénégalais ordinaire. Il y a eu cependant une baisse de prix exceptionnelle pour voir les films sénégalais miraculeusement sortis ces dernières années. Comme Le prix du Pardon, de Mansour Sora Wade (Tanit d'or aux JCC, Carthage, en 2002), Madame Brouette, de Moussa Séné Absa et Nous sommes nombreuses, documentaire de Moussa Touré. Le plus grand succès public, fut le dernier film de Sembène Ousmane : Mooladé. Montré à Cannes il y a deux ans, Mooladé est une charge cinglante contre la pratique de l'excision en Afrique. Dans une mise en scène d'une rare efficacité, Sembène Ousmane amène le spectateur à réfléchir sur cette pratique moyenâgeuse et dégradante. Sembène Ousmane dit : « C'est une grave injustice faite à nos filles. Cette injustice vient de nous et ne disparaîtra que grâce à nous. » Connaissant l'ampleur du marché DVD, le réalisateur vend aussi son film dans ce format dans les grandes surfaces européennes et dans les boutiques africaines. Né en 1923 en Casamance, le « doyen » du cinéma africain continue ainsi de peser sur la scène cinématographique continentale. Engagé en 1942 dans les tirailleurs sénégalais, Sembène Ousmane a libéré Marseille avec indigènes de Rachid Bouchareb... La boucle est bouclée.