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« Un film tous les cinq ans »
Charles Mensah (Pdt de la fédération panafricaine des cinéastes)
Publié dans El Watan le 27 - 07 - 2009

Le Gabonais Charles Mensah, président de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) a profité de sa présence à Alger, à la faveur du deuxième Festival culturel panafricain, pour relancer cette organisation née en Algérie en 1969 à la faveur du premier PANAF'. Il évoque les difficultés de produire des films en Afrique.
La FEPACI a déjà quarante ans d'existence mais n'a pas encore réussi à fédérer les cinéastes et producteurs africains. Alors comment relancer son action ?
En 1969, l'objectif initial de la FEPACI était de fédérer les cinéastes et les amener à créer dans chaque pays les associations professionnelles qui seraient la base de notre fédération, de sorte à créer une force de proposition pour faire avancer le cinéma africain. La fédération a pour mission de recenser et de prendre en compte les préoccupations des cinéastes, constater les entraves qui existent et essayer de les supprimer. Malheureusement, nous n'avons aucun pouvoir de décision. Aussi, nous cherchons à être une interface auprès des pouvoirs publics et des organisations africaines, celles de l'Union africaine (UA) ou des unions régionales pour essayer d'amener ces pouvoirs publics à bâtir un environnement favorable pour la profession. Depuis la création de la fédération jusqu'à aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. Les enjeux n'étaient pas les mêmes. Au départ, la Fepaci essayait de réunir les cinéastes qui accompagnaient la libération du continent. Au moment de la création de la fédération, certains pays étaient déjà indépendants, d'autres étaient encore colonisés.
Et depuis, le cinéma africain a, lui aussi, bien changé...
Lorsqu'on analyse le cinéma africain depuis les années 1960 et jusqu'à aujourd'hui, on se rend compte de son évolution. Durant les années 1960 et 1970, ce cinéma était engagé, militant. Aujourd'hui, on continue de l'être mais certains vont vers le cinéma de divertissement, le cinéma d'auteur. D'autres sont intéressés par des sujets plus individuels. La fédération a besoin de refaire peau neuve pour mieux prendre en compte les enjeux d'aujourd'hui. C'est ce travail que nous sommes en train de faire depuis que le nouveau bureau a été mis en place. Le siège de la fédération est à Ouagadougou Burkina Faso, le secrétariat général est basé à Johannesburg en Afrique du Sud. Le secrétariat est l'entité exécutive de la politique de la Fepaci. Le principe est que tous les quatre ans, à chaque congrès, ce secrétariat peut tourner...
Financer les activités de la fédération ne doit pas être un exercice facile pour vous. Comment faites-vous pour avoir ce financement ?
Au départ le financement de la fédération est censé reposer sur les cotisations des membres. Nous n'avons pas d'argent. Les cinéastes se battent pour faire leurs films. On ne peut pas attendre à ce qu'ils aient beaucoup d'argent. Mais de manière symbolique, on exige encore ces cotisations, même si on a encore du mal à les faire entrer. Depuis la mise en place de notre bureau et jusqu'à aujourd'hui, il y a « un gap » de dix ans durant lequel la fédération n'a pas fonctionné. On essaye donc de relancer le travail sur le terrain. Cela prendra du temps. Les actions du secrétariat de la Fepaci sont soutenues par l'Etat Sud-africain. Nous essayons d'obtenir des aides au niveau de certaines institutions. Nous faisons un travail en direction de l'Union africaine pour établir un partenariat. De la sorte, la Fepaci peut intervenir en apportant son expertise dans ce domaine. Nous voulons que l'UA crée un fonds et une commission africaine du film.
En deux mots, quelles sont les difficultés actuelles du cinéma africain ?
Partout dans le monde, le cinéma est, en grande partie, organisé de telle manière qu'il puisse s'autofinancer. En d'autres termes, les recettes des films soutiennent les efforts de la production. Ce n'est pas le cas en Afrique où le secteur est en voie de disparition. Les salles ferment. Il existe des pays africains où il n'existe aucune salle de projection de films. Les films sont exploités par la vidéo ou la VHS d'une manière pirate. Si les auteurs et les ayants-droit n'ont pas de retour, Ils auront donc du mal à refinancer les films. Malheureusement, les films africains sont souvent appuyés par des fonds venus du Nord, des pays européens et de certaines organisations comme celles de la francophonie. Je salue l'initiative prise par l'Algérie qui lui permet d'être la locomotive dans la perspective de la création d'un fonds de co-production interafricaine. Avec cette initiative de l'Algérie (financement à hauteur de 60 % de dix longs et courts métrages africains), c'est une manière d'aller en premier. Ceserait bien que d'autres pays s'associent à ce projet pour alimenter ce fonds. Il reste qu'en moyenne, un cinéaste africain produit un film tous les cinq ans, parfois plus. Il y a également le problème de l'exploitation en raison du manque de salles. Il faut amener nos pays à adopter une taxe, une parafiscalité qu'on peut asseoir sur certains produits. On peut imaginer une taxe sur l'achat de DVD ou sur l'installation d'opérateurs télé. Les Etats peuvent faire obligation aux télévisions pour soutenir la création nationale en investissant à travers les recettes publicitaires. Nous allons travailler sur ces propositions au niveau de la Fepaci et les présenter à l'UA pour les faire passer. De cette manière, ces suggestions auront plus de poids au niveau des Etats africains...


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