Les partis politiques regroupés dans la Coordination pour les libertés et une transition démocratique ont rencontré, jeudi dernier, deux figures de l'ex-parti islamiste FIS. Eloignés de la scène politique depuis plus de 20 ans, les dirigeants du FIS dissous reviennent au-devant de l'actualité. Au gré d'une conjoncture, certes, confuse et précaire. Et c'est plutôt à l'opposition qu'a échu ce rôle et non au pouvoir lui-même, comme soupçonné dans le passé par certains observateurs et acteurs politiques. Pour donner corps à ces velléités des anciens du FIS de revenir sur la scène, les partis politiques regroupés dans la Coordination pour les libertés et une transition démocratique ont rencontré, jeudi dernier, Ali Djeddi et Kamel Guemazi, deux figures du parti islamiste, aujourd'hui interdit. Le communiqué, qui a sanctionné cette entrevue, évoque un accord pour «la nécessité de changement pacifique» dans le pays. Mais quelle qualité ont-ils ces deux hommes ? «Nous les avons rencontrés comme de simples hommes politiques», répond Abderrazak Makri, président du MSP, contacté hier par téléphone. Le chef du parti islamiste ne veut donner aucun cachet particulier à ces hommes politiques issus d'un parti dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a un statut atypique. «Nous rencontrons tout le monde, sans distinction. L'essentiel étant d'arriver à une conférence nationale qui va nous mener à une transition inclusive», explique Makri. L'avis est partagé par Lakhdar Benkhellaf, dirigeant de l'autre parti islamiste, le Front pour la justice et le développement. Une réhabilitation ? L'ex-FIS est-il ainsi une formation qui compte encore dans l'échiquier politique en 2014 , au point qu'il soit nécessaire de l'associer aux démarches politiques de l'opposition comme du pouvoir d'ailleurs ? Si Makri nie tout calcul estimant que «ce n'est pas à nous de dire qui pèse sur la scène politique», Soufiane Djilali de Jil Jadid reconnaît, lui, que les dirigeants du parti dissous ne représentent pas que leurs personnes. «Il ne faut tout de même pas se voiler la face. Ce sont des gens qui représentent quelque chose», a-t-il dit. «Nous ne pouvons pas aller à un dialogue national tout en excluant une partie de sa composante», explique l'homme politique. Un avis que ne partage pas le politologue et ancien militaire, Ahmed Adhimi. «Je pense que ces hommes sont consultés comme de simples personnalités. Mais je pense que le FIS, tel qu'il existait au début des années 1990, n'existe plus», affirme-t-il. Mais, nuance Adhimi, «ces anciens dirigeants ont intérêt à dénoncer la violence». Pourtant, voulant ratisser large lors de l'élection présidentielle du 17 avril dernier, Ali Benflis a été le premier à se faire entourer d'anciens responsables de l'ex-FIS. Il avait reçu le soutien de personnalités de cette formation, à l'image d'Ahmed Merani et Hachemi Sahnouni. Cette alliance a même été assumée, puisque l'ex-chef de gouvernement avait déclaré publiquement son intention de réhabiliter l'ancien parti dissous s'il serait élu. «Je suis un homme de réconciliation nationale et j'ai suffisamment de courage pour réunir tout le monde autour d'une grande table, le pouvoir et tous les acteurs politiques, pour éteindre la fitna et trouver ensemble une solution à la crise», avait déclaré le candidat malheureux à l'élection présidentielle lors d'un meeting animé à Mila en mars dernier. Quoi qu'il en soit, les dirigeants du parti dissous sont devenus, soudainement, fréquentables. S'agit-il d'une situation conjoncturelle ? Ou d'une volonté de réhabilitation dont il reste à définir les contours ? Les jours à venir vont certainement donner la réponse à ces questions.