La culture se fait rare à Oran. La majeure partie des salles de cinéma croupit sous des tas d'ordures, et les librairies se comptent sur les doigts d'une seule main. Hormis la saison estivale où elle renaît quelque peu de ses cendres, pour le restant de l'année la vie culturelle à El Bahia est laminée. Le Nouvel-Oran, qui «croît» à l'est de la wilaya, souffre d'un manque cruel d'infrastructures culturelles. En effet, dans les nouveaux quartiers de la ville, on aura beau chercher de fond au comble, on ne décèlera nulle trace du moindre cinéma de quartier, ni du moindre théâtre. La culture est quasi-inexistante. Pourtant, l'extension d'Oran vers l'est est à ce point prédominante que le centre-ville actuel est en passe de devenir le Vieil-Oran. Des communes comme Bir El Djir ou Belgaïd s'agrandissent année après année et font de l'ombre à Oran- Centre : hôtels de luxe, centre d'affaires, nouveaux quartiers, chaînes de restauration, magasins de luxe… rien n'est négligé. «Moi qui habite Akid Lotfi, il ne m'est plus indispensable de descendre au centre-ville pour y effectuer mes achats. Je peux tout trouver dans mon quartier», nous expliquera un habitant de l'est, qui y a trouvé son compte. Toutefois, une question mérite d'être posée : est-il vrai que «tout se trouve» dans ces nouvelles zones d'habitation ? La réponse est bien sûr non ! Il y a une carence, et de taille, dont personne au rang des pouvoirs publics ne semble se soucier : les infrastructures culturelles ! Dans ces nouveaux quartiers, les fast-foods sont légion, mais les librairies brillent par leur absence. La culture, pour nos dirigeants, est décidément un luxe dont les oranais peuvent se passer. «Quand un nouveau quartier est conçu, pour l'animer les architectes pensent à le doter d'une mosquée et d'un marché de proximité. Voilà à quoi se réduit l'animation d'un quartier pour nos dirigeants. Intégrer dans leurs maquettes une salle de cinéma ou un théâtre de quartier ne rentre même dans leur imagination», nous expliquera un urbaniste. Il y a certes le Méridien Hôtel avec le Centre des conventions qui le jouxte qui propose périodiquement des événements culturels... mais à quel prix ? L'accès à ces spectacles n'est pas donné à tout le monde. Il faut débourser entre 1500 jusqu'à 5000 DA pour assister à un concert… des sommes mirobolantes ! C'est, hélas, cela le raisonnement de nos dirigeants : opter pour la démesure, sans se soucier de l'intérêt des petites gens. D'ailleurs, c'était en bombant le torse que les autorités locales avaient déclaré, l'année dernière, qu'Oran sera munie d'un grand opéra, haut standing, pouvant abriter jusqu'à 3000 personnnes. «A quoi bon construire avec tant de faste un opéra de 3000 places si, en parallèle, on n'est pas capable d'ériger ici et là des petits théâtres de quartier ?», se demandent nombre d'Oranais. Il faut bien dire ce qu'il en est : ce ne sont pas seulement les nouvelles zones d'habitation qui manquent d'infrastructures culturelles…même au cœur d'Oran, là où sont érigés les quartiers dits «chics», la culture est quasi-absente. Seule la cinémathèque «Carbure» A Bel Air, par exemple, des immeubles «haut-standing» poussent comme des champignons, mais sans pour autant concourir à l'animation de ce quartier. «Bel Air est devenu un quartier-dortoir de luxe», se plaisent à dire ses habitants. A Miramar, la librairie la plus célèbre d'Oran s'est convertie, l'été dernier, en magasin de chaussures, au grand dam des amoureux du livre. Point positif tout de même : une nouvelle librairie, sise à Cavaignac, a ouvert ses portes en octobre dernier, et connaît, depuis, un certain engouement. Comme quoi, même si la situation de la culture à Oran laisse largement à désirer, il ne faut jamais désespérer ! Salles obscures «Oran, la ville qui abrite un festival international dédié au septième art, mais qui n'est pas capable d'ouvrir deux salles de cinéma». C'est en ces termes que beaucoup d'Oranais raillent la situation catastrophique dans laquelle se morfond le cinéma dans leur ville. Effectivement, dans le tout-Oran, il n'y a que la Cinémathèque qui «carbure» bon an mal an. Pourtant, il suffit de faire un tour au centre-ville pour remarquer qu'El Bahia est bien lotie en salles obscures. Tellement bien loties que durant les années 70' chaque cinéma avait sa spécialité : péplums, westerns, nouveautés, classique, cinémas indien, égyptien. Aujourd'hui, ce temps-là est révolu, et la Cinémathèque, située à Miramar, est devenue un «fourre-tout» où on y projette toutes sortes de films. Pourtant, Oran abrite chaque année un festival international dédié au cinéma arabe, ce qui laisserait croire, si on s'en tient à la logique, que les cinémas se trouvent à profusion dans cette wilaya. Absolument pas : la majeure partie des salles sont fermées et se trouvent dans un état de dégradation avancée. Le Rex, à l'avenue de Tlemcen, est à jamais irrécupérable. La salle Marhaba (ex-Escurial) fait pitié à voir tant son hall est jonché d'ordures. A la rue Mostaganem, la salle de cinéma le Tivoli a été rasée en 2011, avant de se transformer, cette année, en antenne administrative. Certes, certaines salles ont bénéficié d'opérations de réhabilitation, à l'image d'Es-Saâda et le Maghreb, hélas, ces salles flambant neuves ne sont aujourd'hui opérationnelles qu'au gré des festivals ou d'événements périodiques. Pour le restant de l'année, elles demeurent fermées.