L'annonce de l'allégeance de Mokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abu Al Abbass) au chef de l'organisation Al Qaîda, Ayman Dhawahiri, surnommé «Al Hakim», vient confirmer les rapports sécuritaires classés top secret qui ont fait état de différends en haut de la pyramide de l'organisation. Ces divergences ont vite fait d'atteindre l'Algérie et la région du Maghreb et du Sahel, comme l'atteste l'annonce d'allégeance faite par Belmokhtar. Nos sources affirment que cette déclaration vient soutenir un des courants les plus puissants d'AQMI après la confirmation de la forte divergence entre Dhawahiri et Droukdel. Mokhtar Belmokhtar a décidé de soutenir le courant dépendant de Dhawahiri au sein d'Al Qaîda au Maghreb et affaiblir ainsi la position de Droukdel. Mokhtar Belmokhtar a donc fait le choix de rejoindre le rang de Dhawahiri et de l'émir du front Al Nosra en Syrie, Abu Muhammad Al Julani, contre une autre alliance qui a commencé à prendre forme entre Abdelmalek Droukdel et l'émir de l'Etat islamique en Iraq et au Sham (ISIS). Des sources sécuritaires suivant le dossier ont rapporté que la raison principale du conflit serait le non-soutien de Dhawahiri pour le «djihad» au nord du Mali contre les forces françaises, ainsi que son soutien à Al Nosra contre le régime syrien aux dépens des autres filiales d'Al Qaîda. Une source sécuritaire informée dit aussi que l'annonce de l'allégeance faite par Belmokhtar, en ce contexte précis, a tranché la question et a confirmé le conflit au niveau du commandement d'Al Qaîda qui avait atteint un niveau sans précédent. Le conflit Droukdel-Belmokhtar en arrière-plan L'institut Al Andalus, le bras médiatique d'AQMI, avait aussi demandé aux djihadistes marocains, algériens et tunisiens de rejoindre les batailles au nord du Mali. Ce communiqué qui a circulé dans les forums djihadistes-salafistes avait provoqué la colère de Dhawahiri, lui qui considère la guerre en Syrie contre le régime de Bachar Al Assad comme «décisive» pour le futur du courant djihadiste international, car elle «ravive l'esprit du djihad chez les jeunes musulmans». Dhawahiri, selon des experts du terrorisme international, considère la guerre en Syrie comme une répétition de l'expérience afghane sur une plus grande échelle, car l'environnement est favorable aux djihadistes, à travers les frontières turques, libanaises et syriennes qui leur sont ouvertes, ainsi que la disponibilité des jeunes djihadistes en plus du soutien international indirect de la part des ennemis du régime syrien. Toutefois, cette vision d'Ayman Dhawahiri se heurte à une opposition de la part de Droukdel qui voit que l'absence d'un appel clair du numéro 1 d'Al Qaîda au djihad contre la France au nord du Mali a empêché AQMI d'arracher une victoire dans la région qui était à sa portée. Droukdel considère entre temps que le soutien obtenu par Al Nosra aurait pu écraser le régime syrien s'il avait été dirigé vers une autre force, comme le rapporte un extrait d'un communiqué fait par Al Andalus : «Les moudjahidine en Algérie avaient assuré, il y a deux décennies, des victoires retentissantes à un temps où le monde entier encerclait le djihad en Algérie. Ils avaient failli faire tomber le régime tyrannique si les services de renseignement n'avaient pas infiltré le commandement du djihad, mais Allah a doté le djihad d'un commandement sage et nouveau. Nous voyons aujourd'hui que le djihad trébuche dans certaines contrées à cause de l'absence d'un commandement sage ou des divisions dans les rangs des Moudjahidine.» Si Droukdel sent qu'il est l'objet d'une trahison de la part de Dhawahiri, c'est aussi le cas de Baghdadi, l'émir d'ISIS, qui s'est retrouvé dans le rang de Droukdel. Nos sources rapportent que les membres du conseil des notables de l'organisation d'Al Qaîda au Maghreb islamique s'opposent au conflit entre leur «émir»Droukdel et Dhawahiri, et sont contre une quelconque alliance avec ISIS. Ceci est la raison de l'annonce de l'allégeance de Belmokhtar à Dhawahiri en cette période précise.