La ministre de l'Education nationale suscite, depuis son installation, une vive polémique. Après ses origines prétendument «juives» largement commentées sur la Toile, c'est son approche réformatrice d'un secteur sinistré qui est ciblée ces derniers jours. La ministre, qui arbore un CV rendant l'espoir de voir redresser la situation de l'école qui va droit dans le mur, n'a pas que des alliés. Attaquée de tous côtés, Mme Benghebrit est présentée comme la première ennemie de la langue nationale parce qu'elle s'exprime mieux dans la langue de Molière. MM. Bouteflika, Zerhouni, Ould Kablia et autres cadres supérieurs de l'Etat n'étaient jamais inquiétés pour ce même motif pour avoir excellé dans le discours en français ou d'avoir porté préjudice en parlant mal la langue arabe. La dernière attaque en règle orchestrée contre Mme Benghebrit émane de l'ancien ministre de l'Education nationale, Ali Ben Mohamed, le père du projet de l'arabisation gelé par feu Boudiaf. Cet ancien ministre dénonce, depuis quelques jours, avoir été interdit de tenir une conférence dans un lycée de la wilaya de Mascara, portant sur l'enseignement de la langue arabe aux Algériens à l'époque coloniale. Dans un communiqué diffusé hier, la ministre de l'Education nationale est formelle : «La conférence sur l'enseignement de la langue arabe à l'époque coloniale, qui devait être animée par M. Ali Ben Mohamed, ex-ministre de l'Education nationale, pour la célébration de la Journée de l'étudiant, a été reportée et non interdite comme il a été fait état dans certaine presse nationale». Mme Benghebrit, qui a été accusée d'être derrière cette interdiction, a affirmé que le report de la conférence «a été décidé d'un commun accord à l'échelon local et qu'il n'est nullement de son fait» car «je crois, a-t-elle soutenu, aux libertés académiques et à la liberté de pensée». M. Ben Mohamed, qui a démissionné en 1992 après le scandale de la fuite des sujets du baccalauréat, a critiqué «l'approche superficielle» de Mme Benghebrit qui compte entreprendre des réformes dans son secteur. Il a dressé un bilan noir des réformes entreprises par Benbouzid, attribuées à tort à la commission Benzaghou. Ben Ali Benzaghou, qui comptait dans son équipe l'actuelle ministre, avait remis au président de la République une mouture de réformes basées sur la consolidation de l'apprentissage des langues étrangères et le renforcement des matières scientifiques dans le programme scolaire. Ce dossier – comme l'a maintes fois précisé l'actuel recteur de l'USTHB – a été mis aux oubliettes dans les tiroirs de la Présidence. M. Baba Ahmed, l'ex-ministre de l'Education nationale, qui a déjà ouvert le dossier de l'évaluation de la réforme du système éducatif, n'est pas allé jusqu'au bout de son projet. Les assises de l'éducation, qui devaient servir de tribune pour la collecte des propositions de réformes, n'ont pas vu le jour. Les points évoqués par les pédagogues, les enseignants et les parents d'élèves concernant la refonte des programmes pour sortir l'école algérienne du débat idéologique et l'ouvrir sur la science et la technologie ont été bloqués. M. Baba Ahmed, qui a promis l'application de certaines de ces recommandations d'experts, dont la révision à la hausse des coefficients des matières scientifiques et l'allègement de certaines matières pour les élèves du primaire, a été confronté à une opposition au sein même de son département. Aussi, son approche n'a pas vu le jour. Mme Benghebrit est-elle en train de faire face aux mêmes lobbies ? Qui dérange-t-elle ? Les opposants à une école progressiste trouvent leur compte dans ces attaques orchestrées. Mais pas uniquement... Les partisans du moindre effort, qui se satisfont de la suppression de pans entiers du programme à la veille de chaque examen et ceux qui ne cessent de revendiquer une deuxième session du baccalauréat, espèrent, eux aussi, que le secteur reste noyé dans la médiocrité.