Les familles des victimes du terrorisme ne sont pas rassurées par la transformation de la réconciliation en constante nationale. Cherifa Kheddar, responsable de l'association Djazaïrouna des victimes du terrorisme, estime qu'il s'agit là d'une diversion pour détourner l'attention des Algériens des questions de fond. «La Constitution consacre et défend des principes universels contenus dans les conventions internationales de défense des droits de l'homme, la réconciliation n'est pas un de ces principes», indique notre interlocutrice qui qualifie cette démarche de «mélange des genres». «Il s'agit de détourner l'attention de l'opinion publique des scandales de corruption.C'est la corruption qui est devenue une constante nationale au point où cela ne m'étonnerait pas qu'on nous dise un jour ‘‘on va constitutionnaliser la corruption''», dit-elle, non sans dénoncer le voile qu'on veut imposer sur les détournements des biens publics par l'entourage du président. Cherifa Khedar considère que la Constitution est censée consacrer une réparation juste et équitable sur le préjudice subi durant les années de terreur. «C'est bien cela le principe universel à défendre. Toute la littérature liée à la justice transitionnelle consacre le principe de la réparation juste et équitable, c'est-à-dire garantir et consacrer le principe du respect de la mémoire, la quête de la vérité et l'instauration de la justice. Par contre, constitutionnaliser la réconciliation telle qu'appliquée en Algérie je trouve que ça ne veut absolument rien dire», indique Mme Kheddar en rappelant que les victimes n'ont pas eu accès au droit énoncé par le droit universel : celui du droit à la justice. «Cette constitutionnalisation de la réconciliation est une aberration. L'objectif est à mon avis d'empêcher les Algériens de réfléchir sur le moyen de se débarrasser de ce système qui a érigé la corruption en constante nationale.»