Déconstruire l'idée selon laquelle le Sahara, comparé métaphoriquement à l'océan, représente une barrière divisant l'Afrique plutôt qu'un pont reliant les grandes zones du continent entre elles. Un colloque international intitulé carrefours sahariens : vues des rives du Sahara a été inauguré samedi au Crasc à l'initiative conjointe de Wara (West African Research Association) et de Aims (Américan Institute for Magheb Studies, représenté localement par le CEMA) et en collaboration avec l'université de Ghardaïa, lieu initialement choisi pour abriter la manifestation mais qui a été abandonnée suite aux événements vécues dans cette région. C'est du moins ce que précise Salah Boussalim, représentant de cette dernière institution, ayant intervenu à l'ouverture. Il s'agit en fait d'une série de colloques sur différents aspects liés à la vie sociale, culturelle et politique caractéristiques des pays riverains de cet «océan de sable» et des échanges qu'il y a eu entre eux à travers l'histoire. L'idée a germé en 2004 au cours d'une table ronde sur les carrefours sahariens organisée à l'université de Californie (Los Angeles), rappelle Jennifer Yanco, directrice de Wara, pour se féliciter du fait que, partant de simples ateliers, on ait pu aboutir à l'organisation de trois colloques internationaux sur le même sujet. Le premier à Tanger (Maroc en 2009) se limitant aux «vues du Nord», le second en 2011 à Niamey (Niger) pour les «vues du Sud» et le troisième à Oran englobant l'analyse de l'ensemble des points de vue, une espèce de condensé des connexions établies entre les deux rives tout en gardant à l'œil les échanges transversaux. Le nouveau directeur du Crasc, Djillali Hadj Smaha, et John Entelis, président de Aims qui a déjà séjourné à Oran en juin dernier pour présenter la politique d'Obama dans la zone Mena, ont également présidé à l'ouverture de cet événement scientifique prévu entre le 31 mai et le 2 juin prochain. Religion et traditions, manuscrits et bibliothèques, histoire et archéologie, institutions éducatives, littérature et expressions artistiques, dynamiques urbaines, oasis et gestion de l'eau dans l'agriculture sont autant de thématiques autour desquelles sont regroupées des communications devant être données par des spécialistes de plusieurs universités, notamment américaines mais aussi africaines et européennes. Dynamiques d'échange Trois séances portent l'intitulé «carrefours d'échanges» car les conférences qui y sont au programme s'intéressent aux dynamiques qui ont pu établir des liens entre les composantes de cette région et qui peuvent être spirituelles, culturelles, commerciales, politiques ou même conflictuelles. La session plénière a été réservée aux vues d'ensemble avec l'intervention de Ghislaine Lydon du département d'histoire de l'université de Californie et de Jean Sébasien Lecocq de l'université de Gand (Belgique). La première, citant des sources historiques diverses, parfois rares (archives) car non publiées, a tenté de déconstruire l'idée selon laquelle le Sahara, comparé métaphoriquement à l'océan, représente une barrière divisant l'Afrique plutôt qu'un pont reliant les grandes zones du continent entre elles. La question a déjà été posée et elle évoque l'article d'un de ses compatriotes, william Zartman, ancien de Aims, publié en 1963 mais ses références embrassent toute l'histoire depuis l'antiquité. Favorable à la transversalité (recherches transsahariennes), à encourager des études profondes et multidisciplinaires, elle constate un manque de connaissances notamment en ce qui se rapporte au Sonraï, au Tamachaq et au Tifinagh. Elle estime que les conflits ayant abouti à la division du Soudan moderne et les événements vécus au nord du Mali sont en partie dus à cette méconnaissance des réalités sociales, culturelles et historiques de cette région du monde. Elle déplore le fait que le premier institut de recherche saharienne, fondé à l'université d'Alger en 1937 (Félix Gautier), ait été fermé à l'indépendance de l'Algérie contrairement aux pays voisins qui ont créé des centres spécialisés comme c'est le cas du Maroc et son centre d'études sahariennes, de la Lybie, qui promeut toujours l'histoire de l'Afrique, et de la Mauritanie et son centre des études sahariennes.