Dans cette commune distante d'une trentaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya où vivent quelque 10 000 âmes, la pauvreté et la misère se sont installées dans la durée. Pourtant, ses 87 km2, ses 7644 ha de surface agricole utile, ses 72 exploitations agricoles collectives (EAC), son potentiel d'élevage bovin et ovin forts de respectivement 7785 et 5080 têtes, sa production laitière estimée à 4 984 420 l/an, sa filière apicole avec 3800 kg de miel produits annuellement, sa population juvénile héritière d'une longue lignée d'hommes et de femmes morts au combat ou sous la torture pour l'indépendance de l'Algérie, auraient dû offrir à Cheurfa une meilleure destinée. Plus de 40 années après l'indépendance, la population n'en finit pas d'attendre ce petit rayon de soleil pour espérer, au plan social et économique, vivre sur le même pied d'égalité que Aïn Berda, la commune chef-lieu de daïra limitrophe, Berrahal, El Hadjar, El Bouni et même Chetaïbi, l'enclavée. Si les investissements publics y sont presque nuls, ceux privés sont inexistants. Dans leurs différents plans de développement pour l'année 2005, les autorités locales s'étaient limitées au strict minimum. Elles y ont prévu la réalisation d'un lycée, le renouvellement des équipements du seul CEM, la réhabilitation ou l'aménagement de deux écoles primaires sur les quatre existantes. Une salle de sport est actuellement en cours de réalisation au profit des jeunes sevrés à ce jour de la pratique sportive toutes spécialités confondues. Rien pour réduire le chômage qui touche 90% de sa population, en matière de structures de loisirs et de détente. Enfermés dans l'oisiveté et l'inactivité héritées de leurs parents, ces jeunes ne font que survivre. Quel secours peut bien apporter le maigre budget de 12 millions de dinars annuellement alloué à la commune ? La situation s'est aggravée avec la crise qui secoue la filière agricole de la tomate industrielle. Durant la campagne, elle permettait à des centaines de familles de survivre du maigre salaire versé. Cette ressource a disparu avec l'abandon de plusieurs milliers d'hectares traditionnellement destinés à cette spéculation. Jachère et terre brûlée parce qu'abandonnée par leur exploitant forment actuellement l'image qu'offrent des surfaces à perte de vue. « Notre commune a une vocation agricole dont les activités sont directement orientées sur la culture de la tomate industrielle. La crise qui a secoué cette filière a découragé nos agriculteurs contraints d'abandonner leur terre et de là, la disparition de plusieurs milliers de postes de travail entre occasionnels et saisonniers », avoue Lazhar Briki vice-président à l'APC de Cheurfa. Conséquences, officiellement l'on reconnaît que 3000 chômeurs, dont 2200 pères de famille sont venus s'ajouter au cortège des démunis et des sans-ressources. Chômage et délinquance juvénile La pauvreté n'a jamais quitté cette commune. La barre des statistiques dans le domaine des fléaux sociaux ne cesse de grimper. Elle fait le lit de la délinquance dans le milieu des jeunes. Pour permettre aux leurs de survivre, des pères de famille s'adonnent au vol des câbles électriques et téléphoniques, la récupération des déchets ferreux, le chapardage. L'on se met à regretter le temps où pour un travail de plusieurs jours à cueillir la tomate industrielle, l'on percevait 2000 DA, une ressource maigre disparue en même temps que les exploitants agricoles. Même en matière de programme de réalisation de logements, Cheurfa est lésée, si bien que les 360 demandeurs se posent des questions sur cette décision de la wilaya de leur accorder un projet de 60 logements ruraux, dont les travaux ont été entamés. Un quota bien en deçà des attentes des populations habitant les bidonvilles dans la périphérie de la commune. « Notre commune est confrontée à un déficit de 400 logements. Les pouvoirs publics doivent s'y intéresser », explique M. Briki qui ne dit pas que lors des sessions de l'APW, aucun élu de sa commune n'a réagi pour défendre les intérêts de sa population. Rien également du côté des élus de l'APW, de l'APN, des sénateurs, pas un seul doigt ne s'était levé pour plaider la cause de ces 10 000 âmes auprès des décideurs. De 2002 à 2005, les affaires de la commune étaient livrées aux appétits insatiables de certains élus opportunistes intéressés par leurs seuls intérêts personnels. Les risques d'une émeute latente avaient entraîné la réaction des gendarmes. Les conclusions de leur enquête furent accablantes pour le P/APC. Il fera l'objet d'un mandat de dépôt le 27 décembre 2005. Dans ce tableau noir d'une commune à la dérive il existe quelques satisfactions qui sont matérialisées dans l'alimentation en gaz et électrification de 80 à 90% de la population. Quant à l'eau potable, le projet d'adduction Bounamoussa, Guerbez et Guelma est annonciateur d'une meilleure distribution à partir de juin dernier. En matière de couverture sanitaire, la commune offre à sa population les services de 4 salles de soins. Alors que des centaines de jeunes chirurgiens dentistes inscrits à l'ANPE sont au chômage, un seul spécialiste dans ce domaine est chargé par le secteur sanitaire d'assurer les soins aux populations de plusieurs communes et localités de la daïra de Aïn Berda soit quelque 40 000 habitants.