Les italiens l'attendaient sans oser vraiment y croire, cette victoire libératrice du cauchemar estival qui voit la classe dirigeante du calcio défiler devant les juges sportifs dans le mégaprocès de l'affaire des matches truqués, suivi par des centaines de journalistes du monde entier. Des dirigeants de clubs, de hauts responsables des institutions sportives, des arbitres célèbres, des joueurs, tous poursuivis pour fraude sportive et paris clandestins. Le stade olympique de Rome, transformé pour l'occasion en un purgatoire où les puissants du football comme l'ancien président de la Fédération italienne de football (Figc) Franco Carraro, l'ancien président de la Ligue de football Adriano Galliani et l'ancien directeur général de la Juventus Luciano Moggi — tous ont dû remettre leur démission dès les premières révélations relatives à ce scandale et publiées par la presse — ont comparu devant des juges intransigeants. Ce qui a fait dire à l'armada d'avocats engagés par les puissants responsables du football pour leur défense et qui n'ont eu la parole que mardi : « c'est du jamais vu ! Le ministère public demande les peines avant même d'entendre la défense. » Quant à l'avocat du président du club Lazio Rome, Claudio Lotito, il a lancé aux journalistes à sa sortie de la salle des audiences du stade olympique : « si la peine de mort était encore en vigueur, on l'aurait également demandée pour mon client », estimant que les condamnations exprimées par le procureur fédéral étaient « trop sévères ». Car Lotito, récemment invité par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour assister à la finale de la coupe d'Algérie de football, est celui qui risque le plus dans ce procès, et même les tifosi demandent désormais son départ, nonobstant qu'il avait sauvé la Lazio de la faillite. Les juges de la Commission fédérale ont demandé à son encontre la radiation de la fédération avec cinq ans d'interdiction d'exercer des fonctions sociales et une amende de 5000 euros pour chaque délit commis. Cet industriel, qui a fait fortune en développant ses sociétés de services, notamment dans le domaine de l'entretien et de l'hygiène, a été condamné par la justice en première instance pour « agiotage » et « manipulation d'informations boursières ». Le club romain de la Lazio, lui, risque de se retrouver à la dernière place de la classification et donc subira la chute en seconde division. De plus il sera pénalisé avec 15 points de moins au cours du prochain championnat. La société de la Fiorentina, dont les patrons, les frères Andrea et Diego Della Valle, puissants entrepreneurs, poursuivis eux aussi pour fraude sportive, risque la même sanction alors que l'AC Milan, lui aussi menacé de relégation, sera pénalisé de 3 points seulement, au grand dam de son patron Silvio Berlusconi, l'ancien chef du gouvernement qui crie au « complot politique ». La foudre frappera peut-être la Juventus de Turin qui risque de se retrouver en troisième division, et se verrait retirer le titre de championne de la saison 2004-2005. Et ce n'est pas tout, car au cas où les 4 clubs seraient relégués à l'échelon inférieur, une véritable chasse à leurs meilleurs joueurs commencera et les mauvaises langues jurent que le Real Madrid n'attend que cela pour faire ses emplettes sur le calcio mercato qui verrait des clubs prestigieux brader leurs stars pour éviter la banqueroute. Mais mardi soir, le cœur n'était pas à l'auto-commisération et aux reproches, tant l'âme des italiens battait à l'unisson avec celle de leur squadra azzurra. Le salut, ironie du sort, leur est venu de Alessandro Del Piero, joueur de la Juventus. Tenu, à sa grande déception, au frais par le sélectionneur Lippi pour le jeter aux dernières minutes du match dans la fosse aux lions, il marque un deuxième but qui a fait trembler le colisée de Rome sous les cris des tifosi qui n'en croient pas leurs yeux et leurs oreilles. Car après le but de Fabio Grosso, qui exulte en envoyant un baiser de la main à sa femme enceinte, les tifosi se voyaient déjà au stade de Berlin, véritable mausolée du sport que Hitler avait conçu pour faire triompher la puissance nazie, aux jeux olympiques de 1936, dans son délire d'omnipotence. Dimanche soir, les azzurri auxquels le quotidien sportif Il Corriere Dello Sport a lancé ce message doux, dans son édition de mardi : « On vous aime ! », remporteront peut-être la victoire suprême, confirmant la conviction des tifosi qui jurent que chaque douze ans, la coupe du monde revient dans la patrie du football, comme en 1970, 1982 (l'Algérie y était), 1994 et peut-être en ce 2006. Forza Azzurri !!!!