Nouar Bouacida, né en 1962, s'est donné la mort au petit matin du 5 juillet en vidant son fusil de chasse dans la bouche. Au prix de sa vie, il a mis un terme à une longue persécution juridico-administrative et, sans jamais sombrer dans la névrose, aux innombrables obstacles placés sur la voie des investisseurs par les autorités locales, le wali et le président de l'APC, indiquent ses proches qui exigent des comptes. Nouar Bouacida était propriétaire d'une grande unité de fabrication d'aliment de bétail à Asfour, où il résidait. Il était promoteur de plusieurs projets, tous bloqués, dont celui de la semoulerie de Bir Lahnech qui aura eu raison de lui. C'est l'un des six investisseurs d'El Tarf qui, en mars 2005, ont dénoncé dans une conférence de presse à Annaba (voir El Watan du 27 mars 2005), la corruption et les malversations de l'administration locale accompagnées souvent de brutalités à l'égard de ceux qui ne se pliaient pas aux règles. Nouar Bouacida l'aura payé de sa vie. Victime d'un véritable complot, il a récemment séjourné une semaine en prison sous la fausse accusation d'injures à autrui et avec le témoignage de deux individus inconnus à Dréan et qui ne se sont pas présentés à l'audience. Même relaxé, cette histoire l'a profondément affecté. Il a encore appris, il y a quelques jours, en se rendant normalement au tribunal pour une affaire qui l'oppose au wali qui l'accuse de diffamation pour avoir adressé une requête au président de la République dans laquelle il l'interpelle pour mettre fin au calvaire que lui fait subir l'administration locale, qu'il était sous le coup d'un mandat d'amener et qu'il ne devait se présenter au tribunal qu'entre deux gendarmes (?). Mais c'est sans aucun doute, disent ses proches, le projet de la semoulerie qui l'a conduit à ce geste insensé. Ce projet, d'un montant de 120 millions de dinars, est en route depuis 2001, il avait obtenu le prêt bancaire et avait également importé d'Italie, pour 60 millions de dinars, l'équipement resté depuis en souffrance dans le port de Annaba. Tout était réglé, ne restait que le permis de construire qui devait être délivré par l'APC avec bien entendu l'aval du wali. C'est là où c'est bloqué depuis 2002. Selon son père, le défunt a vu 5 fois le chef de l'exécutif avant que ce dernier ne lui ferme définitivement sa porte. Les originaux du dossier bancaire sont encore à ce jour chez le wali. Les échéances de la banque sont impitoyables et tombent comme un couperet chaque mois, alors que le projet n'a toujours pas vu le jour. Mais c'est aussi par dépit de voir que les décisions de justice ne sont pas exécutées que Nouar Bouacida a sombré dans le désespoir et s'est donné la mort. En effet, il avait obtenu gain de cause devant la chambre administrative de Constantine pour son projet de chambre froide à Asfour, réalisé à 80%. L'APC va procéder à la destruction des locaux au bout d'un imbroglio juridico-administratif où les services agricoles vont déclarer le projet non conforme. La décision du tribunal de Constantine restera lettre morte. A l'aube de ce 5 juillet, Bouacida Nouar, qui a l'âge de l'Algérie libérée du colonialisme, va s'enfermer dans sa chambre pour consulter une fois encore des documents qu'on a retrouvés éparpillés près de son corps. Ceux de ses projets tous simples, de ses rêves. Il s'allonge une dernière fois sur son lit et appuie sur la détente. Il est 6 h. La détonation retentit dans tout le village et le réveille. Il laisse une veuve et quatre enfants en bas âge dont la dernière, qui n'a que trois mois, est née pendant sa récente détention à Dréan. A l'enterrement, il y a eu la foule entre Asfour et Tefaha, une interminable file de véhicules avec des camions chargés de gens. Pas d'officiel bien entendu, mais les représentants régionaux et nationaux des organisations socioprofessionnelles et patronales qui ont fait le déplacement de toutes les régions du pays.