Ali Mendjeli, la ville nouvelle, valait bien une telle lecture recherchée et délestée des jugements subjectifs, capables de la replacer dans son rôle justificatif de la naissance de l'ère métropolitaine constantinoise. Evoluant sous le regard fier et satisfait de ses créateurs et celui déçu et méprisant des citadins, cette ville nouvelle mérite sa chance pour parvenir à maturité, conclut l'auteur, pour qui elle était devenue la solution inévitable pour parer au désordre spatiale qui asphyxiait la vieille Constantine. « Devenue une grande ville, Constantine éclate aujourd'hui dans son site. Sa croissance spatiale impliquait des solutions audacieuses », écrivait-il dans l'énoncé de la problématique, en offrant les exemples similaires de Beyrouth, Marseille et Naples. Usant pertinemment de figures et de photos pour soutenir son analyse, Marc Côte relate l'extension successive en trois démarches et trois époques de la ville des Ponts et des Escaliers. D'abord, l'extension en continuité entre 1837 et 1975, l'exurbanisation ensuite sur les villages coloniaux situés aux alentours entre 1975 et 1990, et enfin l'extension sur site unique avec la création de la ville nouvelle. L'ouvrage destiné à un large public se passe des appoggiatures littéraires. L'économie du verbe est remplacée, cependant, par la fraîcheur des idées et une aisance dans l'interprétation de l'histoire de la cité. La volonté de resserrer l'urbanisation et la chance unique qu'offrait le plateau de Aïn El Bey ont favorisé l'émergence du projet de ville nouvelle à Constantine. Le temps des géographes et celui des architectes se succéderont dans l'ordre, selon l'auteur, pour coucher sur cartes et sur plans la future cité. Le temps des politiques suivra avec un relogement massif au profit des couches « pauvres », justifié par le surgissement de nouveaux problèmes sur le rocher à l'image du phénomène des glissements de terrain. « L'urgence du relogement a oblitéré cependant, note Côte, la diversité des populations indispensable à toute vie et à toute ville. » Un dysfonctionnement qui la prive aujourd'hui d'une attractivité envers les couches moyennes et aisées et empêche le melting-pot. Mais un dysfonctionnement qui ne condamne guère cette création ex-nihilo qui redonne à Constantine son statut de métropole. La seule métropole intérieure du pays et de tout le Maghreb. C'est le temps des habitants qui, eux, devront repenser leur ville. Marc Côte termine son livre sur cette note d'optimisme qui va à l'encontre de la majorité des thèses échangées actuellement. Un petit coup de boutoir qui fend imperceptiblement l'unanimisme paresseux et ambiant qui domine le sujet, dans l'espoir, peut-être, de réveiller un débat constructif dans les milieux universitaires pour corriger les erreurs de cette ville nouvelle considérée aussi comme une sorte de Constantine 2. Marc Côte Constantine, cité antique et ville nouvelle. Editions Medias Plus