S'ils venaient à créer les deux institutions d'envergure mondiale au sujet desquelles ils se réunissent deux jours durant à Fortaleza et Brasilia, les cinq plus importants pays émergents que sont la Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud (Brics), c'est à la naissance d'un nouvel ordre économique mondial, qu'à l'évidence, nous assisterons. Les deux institutions que ces pays très riches projettent de mettre en place viendront, en effet, jeter le trouble dans un système économique mondial outrageusement dominé par les institutions financières occidentales (FMI et Banque mondiale notamment) qui fonctionnent à leur convenance au seul profit des pays occidentaux, à la tête desquels se trouvent les Etats-Unis d'Amérique. Les décisions de nature à ébranler l'ordre économique mondial actuel consistent à créer un fonds commun de réserves de change et une banque de développement économique d'envergure mondiale. La première institution est appelée à jouer pratiquement le même rôle que le Fonds monétaire international et la seconde celui de la Banque mondiale, avec toutefois l'arrière-pensée de servir d'alternative d'abord et avant tout aux pays émergents. Le Fonds commun de réserves de change sera communément alimenté par les cinq nations concernées qui détiennent, à l'instar de la Chine, la Russie et l'Inde, des réserves en devises parmi les plus importantes au monde. La seule question qui pourrait se poser et de savoir si ces réserves, dont une bonne partie actuellement placées dans les banques américaines, seront retirées pour alimenter ce nouveau fonds commun ? Si cela venait à être le cas, une crise financière mondiale serait, à l'évidence, difficile à éviter. Quant aux capitaux de la Banque de développement économique, ils proviendront, croit-on savoir, d'un tour de table à l'occasion duquel la Chine, le Brésil et la Russie mettront à disposition de la nouvelle institution l'essentiel du capital requis (entre 70 et 100 milliards de dollars). On ignore dans lequel de ces cinq pays sera basée cette banque, mais au regard de l'importance de ses actionnaires, il y a de fortes chances qu'elle élise domicile dans une grande ville de Chine ou d'Inde. On le saura très certainement au terme de ce sixième sommet des Brics. Même si la création d'une monnaie commune n'est pas encore évoquée, l'engagement de ce processus d'autonomie vis-à-vis des institutions financières occidentales, que les altermondialistes ont longtemps réclamé, pourrait, à terme, donner naissance à une monnaie unique dont la force et la stabilité seront garanties par les résultats économiques impressionnants constamment affichés par ces cinq grandes nations émergentes. Les sommets de Fortaleza et de Brasilia ouvriront-ils une nouvelle ère de gouvernance économique mondiale ? C'est en tout cas l'objectif affiché par les chefs d'Etat concernés, en décidant de mettre en place un système alternatif aux institutions (FMI, Banque mondiale) dominées, comme on le sait, par les pays occidentaux. Face à ces grandes nations émergentes dont la puissance économique et financière est redoutable (60% de la croissance économique mondiale, 11 400 milliards de dollars de PIB, 3 milliards d'habitants), les pays occidentaux et notamment les Etats-Unis d'Amérique, qui ont le plus à perdre avec ces récentes initiatives, seront évidemment contraints de tempérer leur hostilité en prenant plutôt fait et cause pour des négociations avec le bloc des Brics.