Le président Bouteflika entame aujourd'hui une visite officielle de deux jours en Grande-Bretagne sur invitation de Tony Blair. Une visite qualifiée d'« historique », car elle est la première d'un chef d'Etat algérien au pays de Sa Majesté la reine Elisabeth II. Précisément, Abdelaziz Bouteflika s'entretiendra avec la reine au palais de Buckingham, a précisé une source autorisée à Alger. Le chef de l'Etat aura également beaucoup de discussions avec le Premier ministre, Tony Blair, qui déboucheront sur la signature d'au moins quatre accords de coopération, dont une convention sur l'extradition. Cette visite, dont le principe avait été retenu en février dernier à l'occasion de la réunion de la signature d'un mémorandum entre les représentants des affaires étrangères des deux pays, intervient dans un contexte marqué par la volonté des autorités britanniques de prendre pied en Algérie, considérée jusque-là comme une chasse gardée de la France. Une volonté qui se trouve être confortée par le souci d'Alger de diversifier son partenariat suivant une vision pragmatique de la diplomatie. Le président de la République aura ainsi une intense activité au Royaume-Uni puisqu'il devra rencontrer le speaker de la Chambre des communes et les leaders de la majorité aux Chambres des communes et des lords et rencontrera le lord Mayor de la Cité financière de Londres. Au palais de Westminster, siège du Parlement britannique, le président Bouteflika sera accueilli par les présidents des deux Chambres du Parlement britannique (la Chambre des communes et des lords), où on lui remettra un insigne honneur « rarement accordé aux dirigeants », selon des sources officielles. Il devra prononcer une allocution lors de la rencontre avec le groupe interparlementaire sur l'Algérie. M. Bouteflika rencontrera également le président du British Council, institution chargée de la promotion de l'image de la Grande-Bretagne à l'extérieur, avant de prendre part à une réception à laquelle seront conviés les principaux opérateurs économiques du Royaume-Uni. Ces entretiens de haut niveau dénotent à l'évidence d'une détermination des deux pays à ouvrir une page très prometteuse de coopération. Londres veut ainsi dérouler le tapis rouge pour M. Bouteflika, espérant le maximum de ce nouveau partenaire hors-Commonwealth, qui a la particularité d'être à l'avant-garde dans la lutte contre le terrorisme, mais surtout un pays sur lequel on peut compter dans l'opération énergétique. C'est que la carte de visite d'Alger est maintenant très prisée, y compris outre-Manche. Le « poids » des ministres, qui accompagnent aujourd'hui le chef de l'Etat, dont celui des Affaires étrangères, de la Justice et celui de l'Energie, entre autres, témoigne en tout cas de l'importance des dossiers à traiter mais aussi du degré d'engagement des deux pays dans cette dynamique. L'ambassadeur d'Algérie en Grande-Bretagne, Mohamed Salah Dembri, invité récemment à la radio, a donné le détail des quatre accords à parapher. En plus de celui relatif à l'extradition, qui a été signé déjà à Alger, trois autres accords portant sur « l'entraide judiciaire en matière pénale », « l'entraide judiciaire en matière commerciale et civile » et la « circulation des personnes » devront être paraphés. Il est à noter tout de même que le dossier de la lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine constituera la quintessence des entretiens entre Bouteflika et Tony Blair. Bouteflika -Blair : la voie royale Les barrières ayant empêché pendant des années l'extradition dans les deux sens, des personnes soupçonnées de terrorisme vont enfin sauter grâce à la bonne volonté des deux pays de coopérer dans ce domaine. L'hypothèque du « respect des droits de l'homme » semble déjà levée puisque Londres a pu expulser, les 16 et 17 juin, deux Algériens soupçonnés de terrorisme, figurant parmi sept Algériens arrêtés en septembre 2005 et présentés avec d'autres étrangers comme une menace pour la sécurité nationale après les attentats suicides qui avaient fait 56 morts à Londres en juillet 2005. Des sources informées s'attendent à d'autres expulsions d'Algériens de Londres au terme de la visite de M. Bouteflika. Ce dernier pourrait obtenir en échange un gros « morceau » en la personne de l'ancien golden boy algérien Abdelmoumène Khalifa du groupe Khalifa, dont le procès est annoncé pour ce mois de juillet. Si l'administration de Tony Blair s'est montrée jusque-là intraitable sur l'extradition de l'ex-milliardaire algérien réclamée par Alger, la signature de la convention pourrait pousser Londres à offrir ce personnage « encombrant » pour ce nouveau partenariat, en guise de cadeau à M. Bouteflika au terme de sa visite. Sur un autre plan, l'on s'attend à la création d'un « comité sur les relations bilatérales » conçu comme l'« aboutissement d'un processus de développement soutenu des relations bilatérales, avec en point d'orgue l'entrée en vigueur en juin 2005 de l'accord relatif à l'importation par la Grande-Bretagne de gaz algérien ». Conclu en octobre 2003, cet accord prévoit la livraison par l'Algérie à la Grande-Bretagne de 5 milliards de mètres cubes par an de gaz naturel liquéfié (GNL). Il faut rappeler que l'Algérie figure en troisième position des pays exportateurs arabes vers le Royaume-Uni après l'Arabie Saoudite et l'Egypte. La célérité avec laquelle Londres a répondu à la signature en juin dernier d'un accord de remboursement par anticipation de la totalité de la dette algérienne, estimée à 202 millions de dollars, prouve que les milliards de dollars engrangés par l'Algérie grâce aux hydrocarbures intéressent le gouvernement britannique.A M. Bouteflika de tirer le maximum d'avantages comparatifs dans ce partenariat avec l'un des géants du monde, politique et économique. C'est là où réside la valeur ajoutée d'une telle visite.