L'un des décors les plus tristes que nous offre la capitale, c'est de voir toutes ces façades d'immeubles amochées par le vulgaire barreaudage. Outre les assiettes paraboliques qui, de loin, donnent l'impression d'œufs suspendus sur une toile blanche, les clôtures métalliques rajoutent à l'inesthétique de nos cités qui pâtissent déjà de la dysharmonie de notre tissu urbain. Il est évident que les propriétaires n'ont d'autre alternative que de blinder, barricader, cadenasser, verrouiller toutes les issues (portes, fenêtres, balcons, véranda, etc.), au risque de voir leurs appartements visités par des intrus. Du niveau zéro au dernier palier en passant par les rez-de-jardin, l'image que renvoient les façades d'immeubles est on ne plus laide : une suite de cages qui s'empilent. Il suffit que le locataire du rez-de-chaussée ait l'idée de barreauder son balcon et toute la chaîne en verticale se met en branle. « Autres temps, autres mœurs », diront d'aucuns. La donne a changé et « on n'a d'autre solution que de détourner cet espace de sa fonction originelle pour en faire un fourre-tout », renchérissent d'autres qui ne se foulent pas trop. Enfin, l'usage est motivé par la nécessité qui devient… loi. On préfère s'encager que de se ressourcer l'espace d'un soir dans son balcon. Si certains locataires refusent de « griller » cette partie open air, en la transformant en espace vitré — ce qui donne un aspect plus ou moins acceptable —, d'autres éliminent les rambardes en leur substituant le rond à béton. Le ferronnier, mis à rude contribution ces deux dernières décades, a beau s'ingénier pour ajourer son œuvre par des motifs différents, l'image ne reste pas moins choquante, voire agressive, donnant l'impression d'un établissement pénitentiaire. Il va sans dire que cet épiphénomène est lié au phénomène de la peur qui règne dans les grandes villes, particulièrement à Alger où les sociétés de sécurité publique restent balbutiantes. Une ville où la casse, les vols avec effraction, à l'esbroufe, à l'étalage viennent grossir le registre des actes délictueux non sans conforter le sentiment d'insécurité du commun des mortels.