L'un des décors les plus mornes que nous offrent nos cités est de voir quasiment toutes les façades de nos immeubles amochées par le vulgaire barreaudage. Outre les assiettes de parabole qui font encore de la résistance et qui, de loin, donnent l'impression d'œufs suspendus sur une toile crasseuse, les clôtures métalliques rajoutent à l'inesthétique de nos cités qui pâtissent, déjà, de la dysharmonie de notre ensemble architectural urbain. Il est évident que les propriétaires n'ont d'autre alternative que de blinder, barricader, cadenasser, verrouiller toutes les issues (portes, fenêtres, balcons, véranda, etc.) à double tour, au risque de voir leurs appartements visités par des intrus. Du rez-de-jardin au dernier palier en passant par le niveau zéro, l'image que renvoient les parois d'immeubles est on ne peut plus laide : une suite de cages qui s'empilent. Il suffit que le locataire du rez-de-chaussée ait l'idée de barreauder sa petite terrasse open air et toute la chaîne en verticale se met en branle. « Autres temps autres mœurs », diront d'aucuns. La donne a changé et « on n'a d'autre alternative que de détourner cet espace qu'est le balcon de sa fonction originelle pour en faire un fourre-tout », avancent d'autres qui ne se foulent pas trop. Enfin, l'usage est motivé par la nécessité qui a fini par faire office de… loi. On préfère s'encager que de se ressourcer l'espace d'un soir dans son balcon. Si certains locataires évitent d'évoluer cloîtrés dans un logis, d'autres n'hésitent pas à éliminer les rambardes de terrasses et balcons, en leur substituant le rond à béton. Le ferronnier est mis à rude contribution ces dernières années. Il a beau aussi s'ingénier à mettre du cœur à l'ouvrage en ajourant son œuvre avec des motifs différents, mais l'image ne reste pas moins lugubre, voire agressive, conférant au logis l'aspect d'un établissement pénitentiaire. Il va sans dire que cet épiphénomène est lié au phénomène de la peur qui règne dans les grandes villes, où on entend parler de la mise en place de SUP (sûretés urbaines de proximité) pour tenter un tant soit peu de faire replier le sentiment d'insécurité qui prend de l'ampleur dans nos quartiers.