« C'est en disant parfois les choses comme elles sont et non comme on voudrait qu'elles le soient qu'on rend plus service. » C'est ce qu'a déclaré, hier à Alger, Mustapha Kamel Nabli, le directeur du groupe du développement économique et social pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de la Banque mondiale (BM) en s'adressant au ministre des Finances, Mourad Medelci, après avoir fait étalage des faiblesses que présente le système algérien des investissements publics. En présence du directeur du département Maghreb à la BM, Ted Ahlers, la communication de M. Nabli donnée lors d'un séminaire portant sur la revue des dépenses publiques (RDP) tenu au siège du ministère à Alger, a fait ressortir que les investissements publics en Algérie présentent plusieurs faiblesses : « Les coûts des projets sont souvent excessifs ; la préparation technique de personnel d'exécution et de qualité des travaux est insuffisante alors que beaucoup de projets d'investissements ne répondent pas aux normes minimales et ne doivent pas être approuvés. » Certaines de ces faiblesses trouvent leurs origines « dans l'urgence qui accompagne la préparation de projets de taille à cette échelle », dira M. Nabli pour qui « il y a chevauchement de responsabilités des parties prenantes ». Se basant sur un « diagnostic approfondi avec conclusions et recommandations » de quatre secteurs : l'éducation, la santé, l'eau et les travaux publics, qui couvrent, selon M. Medelci, « un champ budgétaire de 35%, soit un pourcentage significatif du budget général de l'Etat », le responsable de la BM a considéré qu'« à force que le plan complémentaire de soutien à la croissance (PCSC) progresse, l'Algérie est confrontée à un défi : est-ce que les opportunités offertes par le volume des recettes issues des hydrocarbures seront transformées en croissance à long terme de l'économie et de l'emploi et en un développement durable, ou bien seront-elles perdues pour des raisons d'inefficacité, de gaspillage ou même de corruption ? » Pour M. Nabli, économiste en chef de la région MENA au sein de la BM, a estimé que, de manière générale, « il s'agit de promouvoir la bonne gouvernance dans l'exécution des projets publics qui nécessitent transparence dans les choix et l'exécution ainsi que la responsabilisation de ceux qui prennent les décisions (devant l'opinion publique, les médias et autres organismes de contrôle) ». Et de considérer que « des enjeux institutionnels et de gouvernance contribuent largement à limiter la réussite du PCSC ». Se défendant de se présenter en « donneur de leçon » ou détenir des « recettes toutes faites ou des solutions clés en main », l'orateur a, à contrario, affirmé qu'à la lumière des analyses des quatre secteurs étudiés, « le PCSC peut contribuer à satisfaire les grandes demandes sociales » tout en estimant que « tous les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) seront atteints raisonnablement par l'Algérie d'ici 2015 ». Et de considérer qu'avec un taux d'investissement public de 10% du PIB, « l'Algérie présente l'un des taux des plus élevés au monde ». Et d'ajouter : « Sous l'hypothèse que l'Algérie construit des politiques monétaires et budgétaires et d'endettements prudentes, telles qu'envisagées actuellement, le PCSC est soutenable sur le court et le moyen termes. » Cependant, nuance-t-il, « la réalisation d'un vaste programme d'investissement public tel que le PCSC comporte des défis majeurs à relever ». La RDP appelle, dira M. Nabli, « à une mise en œuvre progressive des projets du PCSC se basant sur une approche qui lie la réalisation de ces projets à des objectifs sectoriels et à une amélioration réaliste de la capacité d'absorption des différents ministères et différentes régions ». « C'est la seule manière à notre avis pour ces programmes d'atteindre leurs objectifs », a-t-il tenu à préciser. Et d'enchaîner : « La RDP propose un ralentissement des montants des crédits de paiement affectés. Il ne s'agit pas d'arrêter les travaux en cours d'exécution, mais de les accompagner par la modernisation des systèmes de gestion des investissements publics et du budget, ainsi que par l'élaboration d'une stratégie sectorielle basée sur un cadre de dépense de moyen terme qui dépasse la tranche actuelle de projet par projet. ». Le ministre des Finances, Mourad Medelci, a, pour sa part, souligné que les résultats de ces études « faciliteront la mise en œuvre de la réforme budgétaire engagée, plus particulièrement dans les secteurs des travaux publics et de la santé qui font l'objet actuellement d'une expérience pilote ». Le ministre a rappelé que la réforme portant modernisation du système budgétaire (MSB) « vise le remplacement de la budgétisation de moyens par une budgétisation axée sur les résultats, laquelle introduit plus de souplesse et qui situe de façon plus précise les responsabilités ». « Nous avons l'ambition légitime, a-t-il dit, d'améliorer en continu nos systèmes de gouvernance dans la sphère publique et d'insuffler dans le corpus de nos administrations à la fois des instruments nouveaux d'analyses, mais également et surtout une rationalisation des systèmes de gestion ».