L'équilibre communautaire et confessionnel du Liban sortira-t-il indemne de « l'attitude provocatrice » du Hezbollah et l'agression israélienne qui en est la conséquence fatale ? Selon les spécialistes de la région, au-delà de la facture humanitaire, la guerre lancée contre le Liban pourrait mettre en péril le fragile équilibre confessionnel en vigueur au pays du Cèdre. Ce système instauré depuis 1842, et qui s'est perpétué sous différentes formes, est la seule garantie de la stabilité du Liban et, partant, de la sécurité physique et matérielle des populations. Briser l'équilibre des structures sociales et religieuses pourrait exacerber les divisions internes et replonger « la Suisse du Proche-Orient » dans les pires moments de la guerre civile. Un tel scénario est possible, d'autant plus que le pouvoir, mou qu'il est, était incapable, même dans les périodes de paix civile, de réduire la fragmentation de la société libanaise. Conscient que le communautarisme n'est pas dépassé au profit de l'établissement d'un Etat de pleine souveraineté, les plus grandes communautés libanaises n'ont pas rechigné à afficher leur solidarité à l'égard du Hezbollah. Pour le moment, seuls certains journaux de la communauté la « presse chrétienne » a stigmatisé « l'attitude belliqueuse » du mouvement chiite. « C'est dans le cadre d'un consensus libanais que la résistance avait véritablement acquis ses lettres de noblesse ; à la veille même de l'orage, elle n'était plus hélas qu'objet de discorde entre les partenaires de ce consternant dialogue de sourds qu'est le Forum de dialogue national », a écrit, hier, Issa Goraieb, éditorialiste de l'Orient le Jour. Dans cette analyse pénétrante, le journaliste a estimé que le Hezbollah « ne lui manquait plus que de devenir source sérieuse de péril, et c'est exactement ce qui est arrivé avec cette capture de soldats israéliens survenant peu après une opération similaire exécutée à Ghaza ». Poursuivant son observation, l'éditorialiste a noté : « Pourchassé par la machine de mort israélienne comme le fut il y a un quart de siècle, quasiment sur les mêmes lieux, Yasser Arafat, l'indomptable Hassan Nasrallah a eu hier des accents churchilliens pour appeler les Libanais à résister face à la barbarie. Il reste que Churchill avait toute une nation faisant bloc derrière lui. Churchill, lui, était légalement mandaté par cette même nation pour décider en son lieu et place. Et Churchill ne promettait pas à ses concitoyens une guerre ouverte, une guerre de cent ans, dans le même temps que son gouvernement remuait ciel et terre pour obtenir un cessez-le-feu total et immédiat ». D'autres analystes estiment, par ailleurs, que la solidarité affichée par les communautés à l'égard du mouvement chiite s'explique d'abord par leur volonté de ne plus fragiliser davantage les équilibres internes du Liban. Le président chrétien Emile Lahoud a publiquement affirmé son appui à la lutte armée du mouvement de résistance du Hezbollah, estimant que les menaces et les agressions israéliennes contre le Liban ne font pas peur aux Libanais mais renforcent leur unité et leur solidarité. Plus prudent, le chef de la majorité parlementaire libanaise, Saad Hariri (musulman sunnite), a souligné qu'Israël doit comprendre que « le Liban n'est pas un Etat terroriste mais un pays qui milite pour ses droits. J'en appelle au peuple libanais pour qu'il demeure uni et préserve son unité nationale ». Le leader druze, Walid Joumblatt, dans un entretien publié par le journal francophone libanais, l'Orient le Jour, a estimé que l'urgence est de trouver une solution à la violente agression à laquelle fait face le peuple libanais. « L'heure n'est pas aux comptes à rendre, mais plutôt à la recherche de moyens pour défendre les citoyens et le pays », a-t-il affirmé. Le chef du PSP ne veut pas, cependant, tenir le Hezbollah pour responsable de l'agression israélienne contre le Liban.