Mardi, l'Etat Islamique a diffusé une vidéo dans laquelle un de ses hommes exécute sauvagement un journaliste américain, détenu depuis la fin de l'année 2012 dans la région de Rakka, en Syrie. Depuis, les spéculations vont bon train quant à l'identité de son bourreau qui, pour la première fois, pourrait être un combattant étranger. C'est un détail qui n'a pas échappé aux autorités britanniques et américaines. En visionnant la vidéo postée mardi sur internet, où l'on peut voir le photo-journaliste américain James Foley se faire égorger puis décapiter par un homme masqué vêtu de noir, les experts ont vite remarqué la prononciation quasi parfaite du bourreau sanguinaire, qui s'exprime en anglais. Selon plusieurs spécialistes en linguistique, il s'agirait plus exactement d'un accent «cockney», caractéristique de l'East End londonien, un quartier multiculturel de la capitale anglaise. «‘Le tueur' a probablement un background étranger», a indiqué, à nos confrères du Guardian, Paul Kerswill, chercheur à l'université de York. Depuis l'apparition de ces forts soupçons et l'authentification de la vidéo par le FBI mercredi, les services britanniques cherchent à tout prix à identifier le meurtrier de Foley. A l'image de leurs homologues français, ils souhaitent se racheter, après de longs mois de passivité devant le départ de centaines de leurs ressortissants vers la Syrie. Aujourd'hui, le renseignement britannique détient un fichier répertoriant 400 à 500 compatriotes partis faire le djihad. Le plus jeune, Jaffar Deghayes, n'a que 16 ans. Parmi ces hommes et ces femmes fichés en Grande- Bretagne, plusieurs sont apparus à visage découvert sur des vidéos de propagande de Daesh. Le bourreau de James Foley n'a en revanche pas dévoilé son visage. On ne connaît que sa voix, et on pense qu'il doit faire partie des 500 Britanniques partis combattre aux côtés de l'Etat Islamique. Mais en Angleterre, plusieurs spécialistes préfèrent temporiser. Selon eux, la vidéo, professionnelle, montée, coupée, ne permet pas d'affirmer que la voix qu'on entend est bien celle du bourreau. Il pourrait tout à fait s'agir d'un doublage. Mais qu'importe. Quel que soit le degré d'implication d'un Britannique dans l'exécution d'un otage, il doit être retrouvé. Cependant, à moins qu'il ne revienne sur le sol anglais, il semble difficile d'aller l'appréhender sur ce terrain miné qu'est la Syrie. Un ancien otage a déclaré au Guardian avoir reconnu le bourreau de Foley, du moins sa voix. Il s'agirait d'un certain John, originaire de Londres. Il ferait partie d'un groupe radical de trois djihadistes britanniques, que leurs anciens détenus avaient baptisé… «Les Beatles», en référence à leur nationalité. Autodidactes David Thomson, un journaliste français, a écrit un livre au sujet de ces jeunes Occidentaux qui partent en Syrie pour combattre aux côtés de Daesh ou de Jabhat Al Nosra, après une longue enquête sur le terrain. «Concernant les jeunes Européens qui partent faire le djihad, le processus est identique, quelle que soit leur nationalité», explique-t-il. James Foley était détenu avec plusieurs de ses confrères français, et notamment le journaliste d'Europe 1, Didier François. Leurs geôliers se succédaient. Ils parlaient tantôt français, tantôt anglais. Les groupes terroristes ont tout intérêt à enrôler des Européens, qui en plus d'être des combattants supplémentaires, s'avèrent être très utiles pour garder des otages originaires du même pays qu'eux. «Ce sont des autodidactes du djihad. En France par exemple, aucune mosquée ne livre de discours djihadiste. Les jeunes Européens, souvent issus de familles assez peu pratiquantes, s'auto-embrigadent, via les réseaux sociaux, internet», relate David Thomson. De jeunes Occidentaux, souvent très convaincus, font partie des combattants les plus déterminés. Shiraz Maher, chercheur au Centre des études sur la radicalisation de King's College à Londres, raconte au Guardian que lors de ses investigations à la frontière turco-syrienne, plusieurs rebelles lui avaient appris que les djihadistes britanniques se révélaient bien souvent être les plus extrêmes. Cette décapitation est un message fort envoyé aux puissances occidentales. L'Etat Islamique, à travers ses disciples étrangers, peut revendiquer sa dimension internationale. Par ce type de mise en scène, Daesh laisse entendre que le danger peut venir de partout. La vidéo a même fait sensation dans les rangs djihadistes. David Thomson a pu s'entretenir avec un de ses contacts français au sein de l'organisation. «Je rêve de faire la même chose. Décapiter un Français, en français, en m'adressant à l'Etat français», c'est en ces termes que le jeune homme basé à Rakka s'est exprimé. Enfin, ce nouvel acte de barbarie relance encore une fois le débat sur les méthodes utilisées par les Occidentaux pour la libération des otages. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont toujours refusé de payer une quelconque rançon. Ce qui n'est pas le cas de la France, bien qu'elle nie farouchement avoir dépensé le moindre euro pour ses compatriotes. L'employeur de Foley a annoncé hier après-midi que ses ravisseurs réclamaient 100 millions d'euros pour sa libération. Côté algérien, on semble plus favorable à la méthode anglo-saxonne. Mais la vie de quatre compatriotes, toujours retenus au Sahel, en dépend.