L'Arabie Saoudite a déployé 30 000 soldats sur 800 km de frontière avec l'Irak. Quelques jours après, le ministre de la Garde nationale relayait l'appel du roi Abdallah. «Certains groupes suspects sont actifs à l'étranger et tentent de perturber la sécurité, de semer la sédition et d'agresser culturellement les jeunes Saoudiens», a estimé Mitab Ben Abdallah Ben Abdelaziz. Mardi, le grand mufti de l'Arabie Saoudite, Abdelaziz Ben Abdallah Ben Mohammed Al Sheikh, s'est exprimé sur l'organisation terroriste Daesh en particulier et de toute forme d'organisation similaire en général. Considérant que ce n'est qu'une extension des «khaouaridj qui ont fait couler le sang des musulmans», appelant le royaume à «l'union», et de «ne pas s'ouvrir à l'importation de ce genre de système». Le mufti saoudien a rappelé les valeurs musulmanes qui sont totalement détruites, selon lui, à travers ces organisations terroristes, qui justifient leur présence au nom d'un djihad infondé, mais affirme que le vrai djihad serait de combattre ce genre de groupes. L'Arabie Saoudite nous a habitués à des prêches bien plus incendiaires, encourageant d'habitude plus l'adhésion au combat en Syrie et en Irak au nom de la guerre sainte. Dislocation Le changement de direction de l'avancée de Daesh vers le Sud peut s'expliquer par les revers subis en 2013 en Syrie, explique Richard Labévière, journaliste, expert de la région. La question qui se pose est : «Pourquoi des pays comme l'Arabie Saoudite en auraient-ils peur ?» «Quelqu'un comme Al Baghdadi, qui ne veut plus instaurer un Etat islamique dans une région précise mais veut instituer le califat sur l'ensemble de la Péninsule arabe, effraie beaucoup l'Arabie Saoudite», explique Richard Labévière qui ajoute : «Il y a aussi un processus de succession au trône très lent en Arabie Saoudite que l'EI peut très bien utiliser comme argument pour lui faciliter l'intrusion.» L'Arabie Saoudite, affirme l'ancien rédacteur en chef de RFI, «souffre d'une incohérence totale dans sa politique. Elle finance le djihad mais désire que ses fractions djihadistes restent loin de ses frontières, sans réellement s'attarder sur le possible détournement de ces organisations par des puissances encore plus généreuses». Mais une invasion du royaume wahhabite ne peut se faire aussi «facilement» qu'en Irak. Car, en comparaison avec l'Irak, «l'Arabie Saoudite jouit d'une stabilité économique et une relative unité ethnique, et détient cette force médiatique qui a fait avant la propagande de Daesh en Irak et en Syrie, ce qui amoindrira tout d'un coup la force d'évolution du califat, sans oublier Washington qui veille derrière à ses intérêts pétroliers», explique Labévière. Daesh arrive sur les limbes de la guerre en Irak, et s'est endurci en pleine guerre syrienne. Cette fraction, selon beaucoup d'analystes, créée et manipulée par plusieurs pays, aurait pour but de nourrir leurs intérêts. Si l'Arabie se fait évincer de ce groupe, une éventuelle dislocation du royaume est possible, pour laisser place à la propagation du califat ; d'ailleurs, toute la région est menacée vu que même les Emirats arabes unis, dans un effet boomerang, ont promulgué une loi antiterroriste extrêmement sévère.