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Air Algérie : L'affrètement, l'autre scandale
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Publié dans El Watan le 22 - 08 - 2014

Air Algérie est désormais dans le viseur, depuis le crash du AH5017 au Mali. La politique d'affrètement et la question de sécurité de ses avions sont remises en cause.
Au moment où tous les regards sont rivés sur Air Algérie, notamment sur la question du respect ou non des normes par l'affréteur espagnol, Swiftair, et l'avion affrété de marque MD-83, «largement contestée par les spécialistes», certains experts vont au-delà de l'entreprise publique et critiquent les organismes censés contrôler la conformité de ses avions, à l'image de Verital. La question de la sécurité de la flotte et la navigabilité des avions est mise sur la table.
En effet, c'est Verital, une entreprise publique économique, qui assure, sous l'égide du ministère des Transports, l'expertise algérienne dans les transports, y compris pour l'aéronautique. Elle certifie la navigabilité des aéronefs avant toute exploitation. Sur ce sujet, un ex-cadre de Verital affirme que cette entreprise «n'est toujours pas conforme aux normes». «Verital n'est même pas accréditée par Algerac selon la norme ISO17011-2004, qui précise les termes d'exigence pour les Organismes d'évaluation de la conformité (OEC), indique-t-il.
Elle ne répond pas à la norme ISO9001-2008 portant sur les exigences management et qualité». Algerac qui est censé délivrer à Vérital l'accréditation en question est aussi un établissement public, placé sous tutelle du ministère du Développement industriel et de la Promotion de l'investissement. Seul Algerac peut délivrer ce genre d'accréditation au niveau national. «L'accréditation consiste en une attestation qui apporte la démonstration formelle de la compétence de l'organisme à exécuter des tâches spécifiques d'évaluation de la conformité», lit-on sur le site d'Algerac.
Accréditation
Sur ce sujet, l'organisme d'accréditation affirme que Verital n'est pas encore… accréditée ! «Nous sommes en bonne voie avec Verital, qui ne va pas tarder à se conformer et recevoir son accréditation», rassure un cadre d'Algerac. Le PDG de Verital, Abdelhamid Ouaret, n'en voit même pas l'utilité. «L'accréditation d'Algerac ne concernera que les projets industriels. Nous n'avons pas besoin d'accréditation pour le domaine aéronautique, car nous sommes un organisme agréé par l'Etat et nous travaillons pour son compte.
Je vous confirme, aussi, que nous sommes tout à fait aux normes, car nous sommes annuellement audités par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)», atteste le PDG, joint par téléphone. Mohamed Redouane Benzerroug, pilote et expert judiciaire (enquête incident/accident aérien), n'est pas tout à fait du même avis. «Il est vrai que les organismes de conformité sont souverains dans leur propre pays mais pas au point de ne pas respecter les normes», explique le pilote.
Verital, a fait aussi l'objet d'un questionnement de l'ex-cadre d'Air Algérie, qui dans un mémorandum, s'est demandé si «Verital a donné son accord préalable et a audité le AH5017 ou non». Abdelhamid Ouaret répond : «Pour l'avion affrété par Air Algérie, nous avons effectué une expertise selon une procédure spéciale à ce genre d'avions. Nous avons aussi procédé au check-list sur l'appareil. Je vous affirme qu'il répondait tout à fait aux normes de navigation», déclare le PDG.
Sécurité
Mohamed Redouane Benzerroug qualifie la procédure de légère. «Un check-list est un document établi dans le but de ne pas oublier certaines étapes nécessaires d'une procédure. Cette opération peut se dérouler en cochant l'existence, dans l'appareil, d'équipements comme le masque à oxygène, etc. Justement, en parlant de sécurité des avions, je rappelle qu'Air Algérie ne possède toujours pas un système d'évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers (SAFA)», lance Benzerroug.
Dans le cadre de l'application de sa politique QHSE (normes de sécurité, de qualité, d'équipements et d'hygiène), Verital s'est engagé à respecter les réglementations qui régissent les normes qualité, en particulier, les normes ISO9000, 14000 et OHSAS18000, avant le 31 juin 2014. Chose qui n'a pas été faite. «Il ne nous manque que la certification. Nous n'allons pas dépenser de l'argent pour un document qui pourrait certifier des normes que nous respectons déjà, justifie le PDG de Verital.
Les étrangers n'ont pas besoin de voir des documents pour traiter avec vous. Ils se déplacent pour vérifier d'eux-mêmes avant de conclure un quelconque accord.» Avantages : Algerac explique que l'accréditation d'organismes tels que Verital permet au pays d'accéder à de meilleurs marchés. Les non-accrédités, quant à eux, ne peuvent pas faire totalement partie du système commercial international. Ce que dément le PDG de Verital, qui affirme que son organisme «a bel et bien des marchés internationaux, car il détient le monopole à l'échelle nationale».
Navigabilité
L'ancien cadre de Verital se dit «outré», il réagit : «C'est une question de monopole des marchés. Rien n'est aux normes. Tout est affaire de pouvoir, à l'image d'Air Algérie qui monopolise les marchés de l'aviation civile.» Et à Mohamed Redouane Benzerroug d'expliquer : «Le monopole s'est fait par le biais de l'Etat. Il est même naturel, car l'Algérie ne veut pas de concurrence.
Et sans concurrence, le service ne pourra pas s'améliorer.» Mais il n'y a pas que la question de la sécurité et de la navigabilité des avions qui pose problème. La politique d'affrètement appliquée par Air Algérie suscite des critiques. La section syndicale UGTA d'Air Algérie, qui ne cesse de faire l'éloge de la compagnie, a dénoncé, dans un communiqué rendu public la semaine dernière, les critiques émises contre Air Algérie concernant sa politique d'affrètement. «Quant aux allégations parues dans la presse relatives à l'affrètement, nous relevons que leurs auteurs confondent insidieusement entre les constructeurs d'avions et les affréteurs.
Nous répondons qu'Air Algérie n'a jamais affrété auprès de Boeing ou d'Airbus, parce que ce n'est pas leur vocation», soutient la section syndicale. Etrange revirement, car ce même syndicat, présidé à ce jour par Saïd Tiaouinine, avait tenu d'autres propos, très critiques envers la compagnie. Dans une correspondance envoyée en juillet 2007 aux différents responsables d'Air Algérie, le syndicat avait dénoncé la politique de gestion de l'entreprise, notamment la politique d'affrètement.
Affrètement
«Le motif invoqué de vieillissement de la flotte pour son retrait est irrecevable du moment que notre entreprise avait affrété des A310 vétustes dont le nombre d'heures est amplement supérieur à celui de nos A310», lit-on dans ce document. Les A310 qu'évoque Saïd Tiaouinine dans cette correspondance sont pourtant des Airbus !
Dans ce même document, Saïd Tiaounine a proposé à Air Algérie «de réduire les coûts d'affrètement qu'il a qualifiés d'exorbitants en remettant en état de navigation les avions retirés de l'exploitation». Pour lui, «Air Algérie possède les moyens humains et techniques pour accomplir cette tâche et éviter à la compagnie les coûts élevés qu'implique la maintenance par les entreprises étrangères», tout en assurant que «ces avions peuvent survoler l'espace aérien européen sans limitation et en toute sécurité».
Pour ce qui est des marchés, le même responsable syndical s'est demandé pourquoi tous les contrats sont soumis à la commission des marchés, sauf ceux de l'affrètement qui sont traités par une autre commission créée spécialement pour cet objectif ! «Le comble est que le contrat d'achat, en dinars, de produits consommables est soumis à la commission des marchés publics, alors que l'affrètement, en devises fortes, est dédié à la commission subalterne, spécialement créée pour les affrètements», a-t-il ajouté. Or, le PDG d'Air Algérie, Mohamed Salah Boultif, n'a jamais parlé de cette fameuse commission d'affrètement lors de ses récentes sorties médiatiques ! Pour rappel, la Gendarmerie nationale a ouvert une enquête sur les affrètement d'Air Algérie, notamment sur le cas Swiftair.
Avertissement
En réponse au mémorandum de l'ex-cadre de l'entreprise et par rapport aux affaires d'affrètements, le PDG considère que les critères de l'opération sont «clairs et transparents, obéissant au cahier des charges élaboré par la commission des marchés de l'entreprise». Le malaise est ressenti. Air Algérie est dans la tourmente. En 2007, sa section syndicale UGTA avait manifesté clairement son opposition à cette politique d'affrètement. «On ne peut ériger l'affrètement comme mode de gestion, utilisant notre propre flotte souvent en soupape, déplore le syndicat.
Notre syndicat s'oppose à la politique d'affrètement qui a tendance à prendre une ampleur inquiétante depuis l'an 2000, qui, à terme, mettra certainement notre compagnie en péril», conclut le syndicat. Mais, depuis le crash du vol AH5017, l'alliance compagnie/syndicat UGTA se serait fixé l'objectif de sauver la face et de défendre à tout prix les «intérêts» de la compagnie.


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