La période légale de dépôt des candidatures pour les élections législatives, prévues le 26 octobre, s'est ouverte avant-hier en Tunisie. Plusieurs centaines de listes de candidatures sont prévues dans les 33 circonscriptions électorales (27 en Tunisie et 6 à l'étranger), afin de briguer les 217 sièges de l'Assemblée des représentants du peuple. C'est désormais l'alerte rouge du côté des quartiers généraux des partis politiques, puisque le compte à rebours a commencé avant-hier. Les directions politiques sont, en effet, dans l'obligation de présenter les dossiers de leurs candidats au plus tard le 29 août. Et comme lesdits dossiers comprennent, au moins, le quitus fiscal 2013 du candidat, voire deux quitus, pour les candidats ayant déjà participé en 2011 et devant justifier être en règle avec l'administration fiscale concernant l'éventuelle restitution d'une partie du financement public, obtenu en 2011, une telle situation inquiète les directions politiques et freine les candidats indépendants. Contrairement aux élections de 2011, où tous les observateurs s'attendaient à une victoire des islamistes, l'actuelle échéance électorale est marquée par des soucis de rééquilibrage de la scène politique de la part des partis modernistes. «Il s'agit surtout de faire arbitrer les Tunisiens entre deux visions de la société. Enjeux D'une part, il y a la nôtre, attachée aux acquis de la Tunisie et ouvrant sur un avenir moderniste et progressiste. De l'autre, il y a celle d'Ennahdha et ses alliés, qui veulent nous faire revenir 14 siècles en arrière, comme ils ont essayé de le faire pendant leur gouvernance de deux ans», explique le porte-parole de Nidaa Tounes, principal parti de l'opposition et candidat sérieux pour faire jeu égal avec les islamistes d'Ennahdha. En opposition avec cette tendance, le parti de Rached Ghannouchi essaie de faire oublier aux électeurs les déboires de deux années de gouvernance catastrophique de la Tunisie, à la tête de la troïka. «Personne ne pouvait faire mieux dans de pareilles conditions de tension sociale et de réclamations citoyennes», se justifie Abdellatif Mekki, vice-président de la campagne électorale d'Ennahdha et ex-ministre de la Santé sous les deux gouvernements de la troïka. Pour essayer de tourner la page, Ennahdha a écarté de la liste de ses candidats les «faucons» du mouvement, comme Habib Ellouze, Sadok Chourou ou Néjib Mrad, connus pour leur défense de la mouvance djihadiste, sous la coupole de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Aux côtés de ces deux mastodontes de la scène politique, d'autres partis essaient de garder une place au soleil, à l'instar d'Ettakattol du président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, ou le CPR du président Moncef Marzouki, bien que ces deux partis couvent un lourd passif suite à leur alliance avec Ennahdha au sein de la troïka. Pour ce qui est de l'élection présidentielle, le dépôt des candidatures est prévu entre les 8 et 22 septembre, alors que le premier tour est annoncé pour le 26 novembre. Les candidats sont actuellement dans une course contre la montre pour réunir les conditions nécessaires à cette candidature, notamment les fonds et les parrainages requis. «La loi électorale a veillé à garantir un minimum de crédibilité chez les candidats à la présidentielle, en instaurant les conditions de la caution de 10 000 dinars et le parrainage par 10 000 électeurs, répartis sur 10 circonscriptions», explique le politologue Slaheddine Jourchi. Béji Caïd Essebsi reste le favori potentiel dans cette présidentielle pour laquelle une quarantaine de personnalités ont déjà annoncé leur candidature, dont, notamment, Moncef Marzouki, l'actuel président, Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'ANC, Ahmed Néji Chebbi, Kamel Morjane, Hachemi Hamedi et bien d'autres, de moindre notoriété. Or, face aux exigences de la loi électorale, jugées excessives par les «petits» candidats, des alliances suspectes sont en train de se nouer. Des informations concordantes ont rapporté que Arbi Nasra, ex-patron de Hannibal TV, a promis de financer des listes indépendantes dans les législatives en contrepartie de leur contribution à sa campagne de parrainage pour la présidentielle. De même, tous les observateurs observent avec suspicion l'alliance entre Al Moubadara Al Watania de Kamel Morjane, ex-ministre des Affaires étrangères et de la Défense de Ben Ali, avec le parti ultra-conservateur de Bahri Jelassi. Une odeur malsaine se dégage des deux actions citées plus haut. L'ISIE et la société civile sont dans l'obligation morale de vérifier l'opacité des financements lors de cette campagne électorale. La Tunisie entre déjà en pleine frénésie électorale.