Le 20 Août, anniversaire du Congrès de la Soummam, nous rappelle, chaque année, combien le pays s'éloigne de ce moment historique et des valeurs auxquels il a donné naissance. L'ordre autoritaire instauré dans la violence au lendemain de l'indépendance qui s'est servi de la guerre de Libération nationale comme instrument de légitimation politique, s'est saisi du vocabulaire révolutionnaire pour le pervertir et faire de cette glorieuse séquence historique une mémoire aseptisée. Les équipes dirigeantes qui se sont succédé au pouvoir depuis l'indépendance ont rusé avec l'histoire par l'usurpation de la mémoire collective. Une habile appropriation de l'héritage historique national et la négation des valeurs qui l'ont fondé. Le chemin de la liberté ouvert le 1er Novembre 1954 a été dévié avant même son aboutissement. Ce ne sont pas les idées et les valeurs portées par le Congrès de la Soummam qui ont triomphé à l'indépendance. Le principe de la primauté du militaire sur le politique a été violemment inversé et l'Etat démocratique et social proclamé à Ifri a été supplanté au profit d'un pouvoir militaire. La promesse de Novembre effacée de la mémoire collective, l'idéal de la Soummam trahi et les acteurs authentiques voués aux gémonies. Une confiscation violente de l'indépendance. Ighil Imoula, Tiffelfel, Skikda et Ifri, de hauts lieux de la résistance tous liés par une trame révolutionnaire, témoignent de l'ampleur du désastre national de l'Algérie indépendante. Dérive autoritaire, impasse historique et dislocation sociale sont autant de maux qui menacent notre maison commune qui se fissure de partout. Plus d'un demi-siècle après la fin de l'ordre colonial, une halte est nécessaire pour faire un examen critique et lucide de la marche accomplie et surtout pour analyser les raisons d'un échec patent. Enfermés dans une impasse historique par la faute d'un pouvoir suranné, les Algériens se battent avec vaillance pour conquérir l'objectif de la construction d'un Etat démocratique, second objectif historique de la guerre de libération. Et c'est précisément en ce sens que le Congrès de la Soummam reste d'une formidable actualité, d'autant que la grande partie de la classe politique appelle à un nouveau compromis historique. Pour Hocine Aït Ahmed, l'un des derniers survivants des chefs historiques, la Soummam était «le premier pacte politique contractuel, fondé sur le respect du pluralisme et non pas sur un consensus populiste». Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain, forger un nouveau contrat politique est devenu une urgence nationale, si l'on veut éviter au pays d'autres désastres. Ce ne sont pas les menaces qui manquent. Elles sont d'abord internes. La persistance d'un système politique fondé sur l'autoritarisme, la confiscation de la volonté populaire, la gabegie et la prédation en tout genre, en est le réel danger auquel s'expose le pays. Enfant de la Révolution avant d'être fils du système, Mouloud Hamrouche, sentant le chaos imminent, en appelle de ses vœux à un «nouveau consensus national». Les acteurs politiques et sociaux puisent dans «le combat d'hier pour affronter les défis d'aujourd'hui». Il ne s'agit pas d'un retour en arrière ou d'une recherche de nostalgie, mais de tirer les enseignements que nous livre notre propre histoire. Le défi d'aujourd'hui est de libérer le pays du régime qui l'étouffe.