Des bombardements sur les frontières indo-pakistanaises ont eu lieu mercredi, résultat des attaques mutuelles depuis début août, qui ont fait six victimes. Face à ces tensions, les négociations de paix prévues le 25 août dernier ont été annulées. Chaque partie accuse l'autre. Alors que des responsables indiens déclarent que ce sont «les gardes pakistanais qui lancent les attaques, fournissent une couverture pour les militants et espèrent passer en Inde», les responsables pakistanais, de leur côté, affirment : «Les Indiens tiraient sans sommation, peut-être pour se venger du succès pakistanais contre des militants basés en région afghane qui, disent-ils, sont pris en charge par l'Inde.» Toutefois, rien n'est clair quant aux causes ayant abouti à l'augmentation des tirs d'artillerie la nuit dernière à la frontière indo-pakistanaise, déjà intenses à la mi-août. Selon des responsables, ces tirs ont causé la mort de deux civils indiens et quatre pakistanais, et blessé des dizaines d'autres. Mercredi, l'espoir d'une désescalade avait pourtant été pressenti vu que deux nuits étaient passées sans coups de feu. Des officiers des deux pays se sont réunis afin d'atténuer des tensions, qui n'ont jamais réellement disparu. Le nouveau Premier ministre indien, Narendra Modi a, ce mois-ci, brusquement annulé les négociations avec le Pakistan pour protester contre ses contacts avec les séparatistes du Cachemire administré par l'Inde. Son conseiller à la sécurité nationale, un spécialiste de la lutte contre le terrorisme, bien connu pour sa position belliqueuse, essaye de profiter du retrait des Etats-Unis d'Afghanistan pour opérer un changement que certains analystes craignent. Pendant ce temps, le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, se chamaille avec les chefs militaires sur la politique menée envers l'Inde. M. Sharif veut tisser des liens d'affaires entre les deux pays afin de stimuler l'économie chancelante du Pakistan, mais les généraux qui ont une longue histoire de sape des initiatives de paix dirigées par des civils, ont résisté — un facteur possible, disent les analystes, dans le bombardement. Stephen P. Cohen, qui l'an dernier a publié un livre sur le conflit entre l'Inde et le Pakistan, a déclaré que les échanges frontaliers comme celui-ci ont à plusieurs reprises conduit les deux pays au bord d'un conflit, et qu'il est pratiquement impossible de retracer leurs origines. Pour sa part, le chef de la sécurité des frontières de l'Inde, D. K. Pathak, a fait une visite impromptue dans la région de Jammu mardi, et a déclaré que les échanges de tirs ont commencé avec des tirs de snipers pakistanais à la mi-Juillet, ce qui en fait la partie la plus intense et prolongée. «Notre réponse, a-t-il dit, ne sera pas inférieure, elle sera égale ou plus. Mais pas moins.» Interrogé sur ce qui avait déclenché la crise, le responsable de la sécurité a indiqué qu'il croyait que les militants islamistes se rassemblaient du côté pakistanais, attendant l'occasion de passer en Inde. Frontières riches Au Pakistan, Brig. Mateen Ahmad Khan, le commandant de Chenab Rangers, a rejeté cette réponse affirmant que le terrain plat et nu dans la région est un point de passage défavorable pour les combattants de la guérilla, notant que l'Inde a érigé une double clôture équipée de détecteurs sonores et lumineux à la nuit tombée. «Il n'y a pas de jungle, pas de forêt», a-t-il dit. «Pourquoi les Indiens n'ont tué ou capturé personne qui essayait de s'infiltrer ? Tout simplement parce qu'il n'y a rien de tel», ajoutera-t-il. Il a également contesté l'affirmation de M. Pathak qui affirmait que cet épisode des bombardements a commencé avec des tirs de snipers pakistanais. Les frontières longues de 2912 km entre l'Inde et le Pakistan traversent de riches terres agricoles, suffisamment proches pour que les travailleurs se tournent vers les tours de guet de l'ennemi de leurs rizières. Dans le village de Jora Farm, un village d'éleveurs à environ 33 km au sud de la ville de Jammu, un patch de boue molle couvre l'endroit où Mohammad Akram Hussein et son fils Aslam ont été tués par un mortier. Avant l'aube, samedi dernier, M. Hussain, 30 ans, et sa famille craignaient que leur toit de chaume ne s'enflamme, se glissèrent à l'extérieur et, assis contre un mur, pensaient qu'ils étaient plus en sécurité. Quant aux enfants de M. Akram Hussein, ils se réfugiaient dans les tours. Alors que M. Hussain et son fils étaient assis, un tir de mortier est tombé à environ cinq mètres, cisaillant une partie du visage de M. Hussain et fendant la jambe et le bras de son fils. Le matin, les villageois ramassaient les éclats d'obus sur les peaux de leurs buffles, et montaient sur les toits afin d'examiner les gouges laissés par l'explosion des obus. Prêts à tout pour un peu de sommeil, certains ont sombré dans les bunkers en béton construits avant le cessez-le-feu de 2003, rapporte un correspondant du New York Times. Alors que mercredi marquait un arrêt des frappes, cela a permis à certaines personnes de se détendre un peu. Ce même correspondant rapporte que lors d'un enterrement cette semaine, les aînés ont discuté de la façon d'évacuer l'ensemble du village — 800 personnes et 5000 têtes de bétail — une mesure qu'ils n'ont pas prise depuis 1999, lorsque les deux armées s'étaient affrontées dans un conflit meurtrier.