Ce sont plusieurs dizaines, voire une centaine d'oiseaux qui sont proposés à la vente à des prix défiant toute concurrence. Bien que faisant partie des espèces en voie de disparition et par conséquent devant être protégées, ces derniers temps le chardonneret fait l'objet d'une chasse sans merci de la part de quelques amateurs de gain facile. Au marché hebdomadaire de Aïn El Hammam, à cinquante kilomètres de Tizi Ouzou, des jeunes, exhibant des chardonnerets en cage, occupent tout «un quartier» du souk. Parfois, ce sont plusieurs dizaines, voire une centaine d'oiseaux qui sont proposés à la vente à des prix défiant toute concurrence. Pour satisfaire notre curiosité, un vendeur nous explique comment il peut, avec des brindilles et de la glue, attraper plusieurs volatiles à la fois. «A condition de s'y prendre de bonne heure et de choisir les endroits fréquentés par le chardonneret», nous dit-il. N'ayant que cinq oiseaux dans sa cage, son camarade nous dit d'un air désolé qu'il arrive difficilement à en trouver. Lorsque nous abordons le sujet de la disparition des chardonnerets, il ajoute, oubliant qu'il est lui aussi complice : «Ils les ont exterminés». Pour vanter la qualité de sa «marchandise», il nous apprend que dans les villes, les chardonnerets de l'ex- Michelet, plus résistants que les autres, sont très demandés. Quant aux raisons qui les poussent à chasser cet oiseau particulièrement, tous ces jeunes (parmi eux des collégiens) disent à l'unisson que «c'est pour gagner un peu d'argent». Ils reconnaissent aussi que le chardonneret est protégé par la loi, mais ils n'en ont cure. «N'ayez crainte, ce n'est pas demain qu'ils vont disparaître. Il y en a encore dans la montagne», affirme un chasseur, la quarantaine, visiblement motivé également par le gain facile. Il serait vain d'essayer de lui parler de la protection de l'environnement, alors que son «métier» lui permet d'empocher 1500 DA pour un jeune oiseau, et plus de 2 millions de centimes pour les plus âgés. A l'écart, un autre vendeur ne semble pas avoir autant de succès que ses compagnons, bien que sa cage soit bourrée de chardonnerets. «Ce sont des oiseaux importés du Maroc. D'ailleurs, on les reconnaît à leur couleur différente de celle des nôtres», nous explique notre interlocuteur. De nombreux badauds entourent «ces commerçants» d'un nouveau genre, mais personne ne semble outré par ce carnage et ses conséquences sur l'environnement. Les acheteurs comme les curieux cherchent à savoir par quel moyen les chasseurs arrivent à «ramasser» autant d'oiseaux. Peut-être qu'en eux aussi sommeillent d'autres prédateurs ? Quant aux services devant veiller à la protection du chardonneret, ils brillent par leur absence dans la région. En tout cas, les vendeurs, habitués à ce «business» vaquent à leurs occupations, sans crainte d'être dérangés par une quelconque autorité.