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Raconte-moi Guerbès !
Désertification, impunité, catastrophe écologique
Publié dans El Watan le 06 - 09 - 2014

Il est sans aucun doute des endroits dont la magnificence se manifeste à outrance et à longueur d'année. Encore faut-il que le civisme prime et que les autorités soient conscientes de leurs atouts et de leurs valeurs. Encore faut-il également que les réseaux maffieux soient empêchés d'agir en toute impunité et que le sens de la citoyenneté soit le garant de leur préservation.
Guerbès, il paraît, vient de l'arabe dialectal skikdi «guer», qui veut dire «nid», et «bez», du nom d'un rapace assimilé à une buse. Situé à 30 km à l'est de Skikda et à 90 km à l'ouest de Annaba, ce douar maritime est un joyau, un véritable corail terrestre. Il ne faut pas confondre entre Guerbès la maritime avec le village socialiste du même nom, situé en amont, créé sous l'ère de feu Houari
Boumediene. En fait, cette partie de la région s'appelle à l'origine «El Msajed».
Administrativement, la région de Guerbès et sa voisine Sanhadja ne forment pas une entité. «Elle est fragmentée en trois zones, rattachées respectivement à Ben Azzouz, Djendel et Filfila. C'est une région écologique qui souffre de cette division. Ce qui rend difficile de la préserver sous ce mode de gestion, puisque, écologiquement, c'est un ensemble d'écosystèmes interdépendants», explique un militant de défense de l'environnement.
Menace de désertification
Ici, le risque de désertification s'amplifie à cause de la multiplication des cultures de pastèques. Les agriculteurs, volontairement ou inconsciemment, participent à la disparition du couvert végétal, qui est pourtant un rempart indispensable pour une région maritime. Le sable des plages guerbesiennes va à la conquête des terres arables, vu que les arbustes et les maquis qui composent le patrimoine forestier périssent à une vitesse plus qu'effrayante. Le vent marin peut également charrier à son aise son haleine chargée de sel sur les terres intérieures, si néfaste pour la santé des terroirs et des arbres. Le constat est encore plus alarmant lorsque l'on s'aperçoit de la catastrophe à partir du sommet de «Keff de Filfila».
En effet, en empruntant les sentiers tracés par les bovins, guidés ou pas par les éleveurs, ainsi que par les sangliers, une fois dans les altitudes la partie ouest de Sanhadja, voisine de Guerbès, paraît déjà comme un Sahara. Ironie du sort, «les habitants de cette localité qui dépend de Ben Azzouz seraient en majorité des descendants de la tribu saharienne Sanhadja ayant décidé de vivre dans le Nord pour diverses raisons», raconte Hadja Nouara, 78 ans. A présent, cette déferlante d'aridité est en passe de dévorer également toute la végétation de Guerbès. La menace est à prendre très au sérieux. Guerbès abrite la deuxième pépinière de chênes en Afrique.
La source du mal, diront certains, ou l'origine du problème, diront d'autres, ne peut s'expliquer que par l'absence, en premier lieu, d'un manque d'informations chez les agriculteurs. La pastèque, qui consomme énormément d'eau, est cultivée au «hasard» et à la clémence des étés. C'est une culture à risque, et certains agriculteurs, comme Mustapha, y ont parfois perdu des centaines de millions. Ce qui est certain, nous expliquent plusieurs villageois guerbesiens, c'est que la terre sur laquelle est cultivée la pastèque perd de sa fertilité après 5 ans d'exploitation non alternée.
Puis, c'est la mort de la parcelle, comme un être humain qui rend l'âme. Nous avons pu remarquer à divers endroits que la terre, qui était arable, est devenue sablonneuse. Elle n'est plus utile pour l'agriculture et le jeune plant trouvera des difficultés à se dresser. Secundo, par l'appât du gain facile de certains réseaux qui se sont convertis dans la transformation de forêts en terre de culture de pastèques. Actuellement, ils spéculent sur le foncier en prévision du succès touristique de la plage.
Des «maffieux» qui agissent dans l'impunité
Le plus grand drame demeure cette impunité qui fait les beaux jours de quelques réseaux, qui lorsqu'ils étaient spécialisés dans le trafic de sable ont trouvé une autre astuce pour s'enrichir «maladivement» et sans la moindre inquiétude au détriment de la nature de Guerbès. Ces dernières années, il n'était pas rare de voir un incendie se déclencher à toute heure.
Cette sorte de désherbage criminel est encouragée par l'absence de forestiers qu'on ne rencontre pas sur le terrain, ni en pleine forêt, ni à l'intérieur des maquis. Nos différentes sorties prouvent cette désertion. Aucun agent rencontré, y compris sur les chemins tracés par les autorités communales pour permettre aux citoyens d'accéder à la première et deuxième plages de Guerbès. Sur les neuf que compte la localité, les six autres sont sauvages et beaucoup moins fréquentées.
Dans les faits, n'importe qui peut déclencher un feu, pour ensuite quadriller la partie brûlée et la métamorphoser en un espace maraîcher ou de pâture pour le bétail. «Jusqu'à quand cette situation va-t-elle perdurer ?» s'interrogent des éleveurs et des habitants, désarmés, démunis de toute force, et qui sentent l'injustice dans leur chair. A prendre l'exemple de Rachid, berger de son état depuis sa tendre enfance et s'occupant d'un troupeau de vaches, les maffieux de la forêt brûlée, comme il les appelle, privent les éleveurs de la principale alimentation du bétail, des bovins notamment.
Ces bêtes trouvent leurs mets dans les fôrets et surtout dans les maquis. Cette alimentation est diversifiée. Elle varie du «droh» (lentisque), un arbuste réputé pour sa vertu et saveur, jusqu'à la simple plante qui renferme en elle des secrets médicamenteux et qui sont indispensables pour la vache. Il y a aussi le gland qui est un très bon complément alimentaire pour le bétail. Ce régime totalement naturel donne d'ailleurs un goût succulent à la viande des vaches de Guerbès.
Outre les frais vétérinaires, les éleveurs ne peuvent pas se permettre d'acheter en plus du fourrage. Seuls la forêt et le maquis représentent pour eux la source de nutrition, avec les rares prairies qui jalonnent la région. Quand une forêt brûle, ce sont des familles entières qui s'appauvrissent, et toute une région qui risque de disparaître, comme le port phénicien qui a fait sa réputation durant l'Antiquité.
L'absence de forestiers dans ces territoires contribue-t-elle à encourager les crimes contre l'environnement et de facto contre le tissu socioéconomique qui a longtemps caractérisé Guerbès et sa voisine Sanhadja ? Certainement, estime Karim Tedjani, militant et défenseur de la nature algérienne. Ce dernier est également grand reporter et animateur du site web Nouara-Ecologie, consacrée à l'environnement national. Ce fin connaisseur de Guerbès, puisqu'il fréquente la région depuis 35 ans, expose une explication d'ordre social pour en sortir avec des déductions «scientifiquement» réalisables.
Il pense que l'une des solutions d'urgence à entreprendre est de fortifier le terroir guerbesien ainsi que ses fôrets. Dans le détail, il souhaite l'installation de plusieurs postes de surveillance des fôrets et du maquis à plusieurs niveaux, entre autres sur les hauteurs. Le plus important, précise-t-il, ce sont les effectifs de forestiers qui restent à mobiliser et qui doivent être reconsidérés, respectés et jugés à leur juste valeur. «Payer un agent à 30 000 DA est inadmissible», soulève-t-il.
Renforcer les effectifs des forestiers
Il faut de bons salaires, de bonnes conditions de travail et des formations continues sur la nature des sols et du couvert végétal. De même, Karim Tedjani privilégie la transmission du savoir aux jeunes générations, même si ces dernières semblent perdre les repères anciens et traditionnels. Il considère qu'il faut injecter de l'espoir en elles.
Elles sont dotées, familièrement et culturellement, d'une base pour pouvoir vivre des bienfaits de la forêt et des maquis, comme par exemple la récolte de plantes médicinales, le travail de guide, l'écotourisme agricole durable. Le cas de Mezzo Bilal en est la preuve irréfutable. Agé d'à peine 19 ans, ce Guerbesien futé connaît quasiment toutes les plantes, les arbustes et les arbres de son douar.
Il connaît leurs avantages pour l'homme et leur utilité dans la vie de tous les jours.
Des exemples comme celui de Bilal ne sont pas rares. Il suffit juste de leur donner une chance d'exploiter leur talent pour faire découvrir la région aux apprentis «écolos», les amoureux de la nature sauvage et des escapades, voire constituer des contacts de terrain pour les chercheurs et autres universitaires. «J'ai hérité du savoir des ancêtres de manière naturelle. Je connais les secrets de la fôret. Je sais qu'une fois respectée, elle respectera l'homme.
Une fois disparue, elle le maudira», soutient-t-il. Karim ajoute que «l'existence d'une ferme pédagogique, qui serait un centre de sensibilisation, d'expérimentation agronomique et d'accueil touristique ou scientifique apparaît comme une nécessité urgente pour poser les bases d'un développement sain et écologique de la région.» Parallèlement aux propositions pour mettre fin aux exactions des trafiquants sans scrupules, qui peuvent être mis hors d'état de nuire avec la force de la loi, les éleveurs sont également appelés à guider leurs cheptels vers des terrains loin de ceux destinés à la régénérescence du couvert végétal.
Les jeunes plants ne pourront pas pousser s'ils sont dévorés dès leurs premières floraisons par ces mammifères domestiques. Un autre point de taille à soulever, la prolifération du sanglier représente également une nuisance. Des battues régulières peuvent se tenir dans un cadre écotouristique et permettraient aux habitants de la région de trouver un nouveau débouché économique dans le secteur de la chasse sportive.
Ecotourisme et agriculture durable
Guerbès ne peut pas devenir une zone d'habitation, à l'image des régions rurales urbanisées anarchiquement. C'est toute une architecture naturelle et forestière qui perdrait non seulement de sa splendeur, mais constituera un cauchemar pour les Guerbesiens. La volonté de modernisation est désirée, mais dans les normes, sans que cela ne puisse perturber le fragile équilibre existant de l'écologie guerbesienne, si rare à travers la Méditerranée.
Les jeunes Guerbesiens ont besoin d'orientation pour prendre en charge leur famille. Ce n'est pas la volonté qui leur manque. Seul un tourisme responsable, respectueux de l'environnement, de la nature vierge et de l'écosystème peut constituer un tremplin pour créer des emplois durables. Une modernisation qui ne prendrait pas en compte les aspects propres à Guerbès ne sera que dévastatrice, prévient l'éleveur Rachid.
Pour revenir aux vrais agriculteurs qui produisent la pastèque (à ne pas confondre avec les maffieux), ils veulent se convertir, car conscients que sans Guerbès ils ne peuvent prétendre à un avenir stable pour leurs enfants. Sinon, c'est l'exode qui en décidera ou la harga (émigration clandestine). Pour cela, pense Karim, il faut lancer des projets d'arboriculture, tout en assurant durant une période de 5 ans aux agriculteurs une rentrée d'argent. Une fois ce délai passé, les arbres donneront leurs fruits, et les agriculteurs pourront rembourser successivement les prêts et vivre de leur labour.
C'est d'ailleurs le principal credo d'un programme mis en branle par la DGF et le PNUD pour préserver le complexe de zone humide qui se trouve entre Sanhadja, El Marsa et Ben Azzouz. Il faut dire qu'il est le deuxième classé par la Convention de Ramsar en Algérie et même en Méditerranée africaine. Mais l'annonce officielle de son démarrage en février dernier ne semble être qu'une rumeur pour les locaux.
Si les propositions se concrétisent, le couvert végétal serait certainement préservé. Guerbès et le reste de la région resteront verts, au lieu que ce soit le sable qui prenne insidieusement le dessus sur ces paysages comme présentement.


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