Court, trop court et même outrageusement court, ce concert rap programmé pour la sixième soirée du Festival de Timgad. Ces milliers de spectateurs qui ont fait le déplacement de loin (36 km pour les Batnéens) et payé leur ticket d'entrée (500 DA/l'unité) ont eu droit à… 44 minutes de spectacle et pas une seconde de plus, soit à peine le tiers de ce qu'a fait la chanteuse Assala la veille ! De quoi étonner et mettre en colère ce public qui ne voulait pas quitter les gradins, à l'annonce de la fin, et réclamait plus à l'organisation. Cette « parcimonie » n'était pas, en outre, la seule fausse note de la soirée puisque l'affiche a été amputée de sa première partie prévue avec le rappeur franco-tunisien K2 Rym. Ce dernier a manqué à l'appel et a été remplacé en dernière minute par un « dépanneur » qui, franchement, devrait faire autre chose que la musique. Les jeunes habillés au look hip-hop venus écouter les rimes de Sinik, la star de la soirée, ont eu droit à 37 minutes. Le rappeur franco-algérien, qui se produit pour la deuxième fois en Algérie, a mis le feu dès son entrée dans l'arène du théâtre romain. Accompagné de son DJ et d'un deuxième rappeur pour les chœurs, l'homme aux 500 000 exemplaires vendus pour ses deux albums a chanté pour ses fans qui reprenaient avec lui les refrains et même plus. On a cru à tort que le public de Timgad ne correspondait pas à ce genre de musique, puisque la majeure partie des gradins sautillait au rythme rap, les bras levés comme l'exige la tradition dans le style. Descente aux enfers, Un jour meilleur, Hôpital et Maman, les titres puisés dans son premier disque La main sur le cœur et aussi son nouveau Sang-froid (sorti durant les émeutes des banlieues parisiennes) sont chantés par Sinik avec une rage mordante. Les thèmes puisés dans la vie politique et sociale expriment la malvie, la misère et les nouveaux problèmes de la France actuelle qui se déchire sous les coups de la ségrégation raciale et l'échec des politiques d'intégration. Sarkozy, Le Pen et tous les chantres de la droite haineuse subissent le débit vitriolé de celui qui représente l'avenir du rap français. Un engagement qui ne lui épargne pas des difficultés avec la justice puisque, à l'instar de Dieudonné, lui aussi est la cible des médias qui s'effarouchent à la moindre critique envers Israël, entre autres, et crient à l'antisémitisme. Les messages contenus dans ses titres véhiculent, cependant, de l'espoir pour les jeunes et les appellent à prendre leurs responsabilités envers eux-mêmes, leurs parents et la société en général. A travers cela, Sinik s'inscrit comme il le répète d'ailleurs, à l'opposé de ce qui se fait en ce moment. « Pour moi, le rap est plus profond, et c'est mentir aux jeunes que de leur parler uniquement de femmes et de grosses voitures », confie-t-il. Le concert s'achèvera, malheureusement, au moment où l'on commençait à prendre plaisir.