Le Festival international de Timgad dans sa 27e édition a été marqué par une large défection des artistes algériens, laissant le public batnéen pris dans la spirale d'une chanson orientale, “rythmiquement” et visuellement plus attrayante. La fausse note du festival a été largement remarquée le jour de l'inauguration et pour cause, la soirée, que les organisateurs ont voulue 100% algérienne, a été amputée d'un genre très apprécié et prisé par le public batnéen, à savoir la chanson sahraouie. Le premier jour, déjà, Abdallah Menaï et sa troupe étaient les premiers à ouvrir le bal. Des raisons de cette défection, on apprendra que le chanteur a préféré aller à la conquête d'un nouveau public tunisien notamment. Boualem Chaker, la troupe Errahaba, Massinissa, Keltoum l'Auraséenne et surtout Bilal se chargeront de faire oublier cette déception aux nombreux fans du chanteur, et la soirée se déroulera dans les meilleures conditions. Houari Dauphin, Cheb Khalas, pour leur part, se produiront devant un public conquis d'avance. Même la légende du reggae Jimmy Clif, qui s'est produit en première partie de la deuxième soirée, ne saura pas combler le public. On attendra le Dauphin jusqu'à 2h du matin, le secret de cette adoration, il est le seul à le détenir. Pour le reste des soirées, l'absence des artistes algériens se fera sentir de plus en plus, Allaoua pour le 3e jour, Naïma Ababsa, Cheb Hassen et Hakim Salhi suivront. La consolation, le public assoiffé de rythme et de notes festives, les Batnéens la trouveront auprès de Massa Bouchafa, Nacereddine Hourra, Cheb Akil et Hassen Dadi. Heureusement, pour le public que le patrimoine algérien brille de mille couleurs et de mille rythmes. On avance dans le festival, et la liste des absents se rallonge un peu plus. Si les ténors du malouf constantinois et annabi, les incontestables et infatigables El-Hadj Mohamed Tahar Fergani et Hamdi Benani, respectent leur engagement, particulièrement à l'égard de leurs fans, et cela en dépit de la rude concurrence imposée par la Libanaise Diana Haddad, Nouri Koufi, Amel Wahbi, Malika Doumrane décevront énormément. Djamel Laâroussi déjà absent du Casif se fera, longtemps attendre à Timgad sans jamais donner signe de vie. Même s'il reste le seul absent à avoir fourni un justificatif pour sa défection, car si “l'étoile filante” s'est éclipsée, c'est à cause d'une extinction de voix survenue suite à une série de concerts animés en Malaisie. La série des désistements injustifiés pour la pluspart chamboulera le programme, et le public aura droit au groupe local Kahina et à un cocktail rap animé par le groupe Raï NB, qui fera goûter à l'assistance la virulence du verbe et la réalité de la vie des Beurs, pris entre le marteau et l'enclume de la marginalisation et des fléaux sociaux. Comme quoi la vie ne fait pas de cadeau qu'on soit dans les cités de la banlieue parisienne ou dans un petit village de Batna. Le groupe offrira également le “houl” et l'ambiance festive que cherchent les jeunes de la région, aussi amères soient les textes. Composé de La Fouine, d'origine marocaine, Relic, d'origine algérienne, Raï NB propose un rap qui casse le mythe de la belle vie de l'autre côté de la Méditerranée. Un message que les jeunes Batnéens ont bien compris. La série d'absences qui s'est imposée tout au long du festival aura été une aubaine pour la chanson orientale de s'enraciner davantage dans la culture des jeunes Algériens, mais en live cette fois, après que les chaînes satellitaires arabes eurent donné l'avant-goût. Cette année encore, le Festival de Timgad aura été une occasion pour montrer le manque de professionnalisme qui teinte la moindre tentative de promotion du patrimoine historique et artistique algérien, matériel et immatériel. Et pourtant, Timgad, la ville antique mérite tant d'être visitée. Elle mérite surtout un festival et des artistes à la hauteur de son public qui n'hésite pas à se déplacer de loin. W. L.