Etalée sur seulement 5 jours, la 39e édition du festival aura alterné le bon et le moins bon. En effet de l'avis général, sur le plan de la qualité des spectacles, il est indéniable que la nouvelle direction artistique n'aura nullement démérité. Mis à part les pièces présentées par El Moudja de Mostaganem et Kateb Yacine de Sidi Bel Abbès, qui furent à des degrés divers, de véritables déceptions, L'île aux esclaves d'El Moudja n'aura brillé que par le nombre considérable de figurants, à telle enseigne que l'on ne savait plus où les mettre tandis que Roba jouée par les comédiens belabbèsiens remettra au goût du jour l'abject « qui tue qui », renvoyant le spectateur à toutes sortes de lectures, de la plus pernicieuse à la plus invraisemblable. C'est d'ailleurs sans surprise que le public déboutera sans ménagement les deux troupes. Le jury que tout le monde attendait avec une réelle impatience ne parviendra à contourner les faux-semblants pour se focaliser sur l'essentiel. C'est à juste titre qu'il récompensera la troupe Afak de Batna pour sa sublime parodie de la décadence arabo-musulmane dans Le retour de Houlagou. C'est, en effet, cette pièce qui recevra le premier prix du festival. Ce même jury n'aura pas la main aussi heureuse en attribuant le second prix à El Moudja. C'est à se demander si les pratiques en vigueur jusque-là — et qui faisaient qu'une troupe locale soit régulièrement récompensée en dépit du bon sens et de la rigueur — n'ont pas la fâcheuse tendance à être reconduites d'année en année, cela en dépit des assurances des organisateurs. En consacrant El Moudja pour une si piètre présentation, le jury aura cédé au chant des sirènes, ce qui n'est pas fait pour déplaire à ceux qui en dehors et dans les coulisses n'attendaient que ce grand écart pour se réjouir. Toutefois, en attribuant le 3e prix à l'association Tahate de Batna, il se rachètera prestement, du moment que cette jeune association aura donné l'un des plus accomplis spectacles de ces dix dernières années. Cette recherche outrancière de l'équilibrisme à forts relents régionalistes finira par disqualifier la manifestation. Alors que la cérémonie d'ouverture avait été différemment appréciée, celle consacrant la clôture aura été émaillée de plusieurs incidents qui tendent à accréditer l'idée que les organisateurs n'ont pas encore amorcé le virage qualitatif tant souhaité. C'est ainsi qu'une dame de la trempe de Fouzia Aït El Hadj, qui aura fait un effort colossal pour se rendre à Mostaganem, sera contrainte d'écourter son séjour en raison de l'incurie de ses hôtes qui ne lui auront épargné aucune maladresse. Tous les efforts pour la faire revenir sur sa décision seront vains. Il y eut également ce recours insensé au documentaire afin de meubler la programmation. L'expérience de la cérémonie d'ouverture n'aura pas dissuadé les organisateurs qui feront projeter pas moins de trois documentaires d'une qualité esthétique douteuse. Un observateur fera remarquer qu'à ce rythme, le festival pourrait bientôt changer de registre pour se consacrer à un nouveau genre. Celui du film de mauvais goût, à l'image de ceux produits lors de cette édition et qui sont tous le fait d'homme de théâtre. D'où la sourde inquiétude des puristes qui ne manqueront pas de le faire savoir.