Depuis l'indépendance de l'Algérie, les événements culturels et artistiques, principalement les festivals, ont été utilisés par le régime pour faire de la grande variété des particularismes culturels et régionaux du peuple algérien une vitrine. Mais en réalité, ce peuple est invité à se reconnaître dans une identité unique, figée dans le premier texte fondateur de l'Etat algérien, à savoir l'Appel du 1er novembre 1954 et dont le FLN est l'éternel protecteur. Ainsi, l'idéologie dominante, qui définit l'algérianité par deux seules composantes identitaires, c'est-à-dire l'arabité etl'islamité, s'accommode mal de la diversité culturelle pourtant si chère aux discours officiels. Selon Mathilde Cazeaux, ce paradoxe ne peut être entretenu qu'en occultant certains aspects de la mémoire algérienne et en vidant les identités régionales de leur substance. La sclérose qui frappe les expressions culturelles régionales participe du même déni. Le Festival de promotion des architectures de terre à l'EPAU, le Festival de l'habit traditionnel au palais des Raïs ou celui de l'Imzad à Tamanrasset, sont mis en vitrine, même s'ils confondent architecture, art, arts décoratifs et artisanat, et contribuent ainsi à figer les expressions culturelles des populations qui les portent, pour les enfermer dans une tradition, rendant difficile le renouvellement ou l'hybridation des genres. C'est la folklorisation. Cette situation explique en partie pourquoi l'Algérie refuse toujours de ratifier la Convention de l'Unesco sur la protection et la promotion des expressions de la diversité culturelle de 2005. Piégé par ses propres paradoxes, le régime ne peut adhérer à une convention qui met à mal une situation de statu quo culturel entretenue depuis l'indépendance, d'autant plus que la convention appelle les parties à créer, sur leur territoire, un environnement encourageant les individus et les groupes sociaux pour qu'ils puissent créer, diffuser et distribuer leurs propres expressions culturelles et à y avoir accès. Pour libérer l'identité et la culture algériennes, le régime a besoin de se libérer lui-même des démons de la phobie de la diversité des expressions culturelles, mais cela ne peut se faire qu'en cas d'implication active d'une élite renouvelée, qui considère le changement non pas comme un processus instantané, mais comme une rupture infime dans le mouvement historique des développements des nations.