Le Premier ministre, qui avait fixé à samedi la date limite pour la formation d'un gouvernement de technocrates avant de la renvoyer sine die, est optimiste. « Il y a une évolution et des progrès sur tous les points soulevés », dit-il après une série de rencontres avec les dirigeants des différents partis, dont Rached Ghannouchi d'Ennahdha, Mustapha Ben Jaafar, d'Ettakatol et Mohamed Abbou du Congrès pour la République, parti du président Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi, le chef de Nidaa Tounès, Néjib Chebbi, du Parti républicain et Kamel Morjane, ex-ministre et chef du parti Moubadara. « Il y a fort à craindre que cette initiative, appuyée par une large partie de l'opposition et de l'opinion publique, soit enterrée marquant l'entrée du pays dans un nouveau cycle de tiraillements, de tractations et de calculs partisans », écrit la presse tunisienne. Ennahdha rejette globalement et dans le détail le projet de son numéro deux. Pour se faire entendre, le parti, au pouvoir depuis 14 mois, mobilise ses troupes. « Pour défendre sa légitimité à diriger le pays », leur dira-t-il pour les convaincre. Selon certains analystes, le parti islamiste a peur de voir Jebali qui a le soutien de l'opposition laïque, des organisations syndicale et patronale et d'une large part de la société civile, s'affranchir de toute tutelle, dont celle de l'Assemblée nationale constituante et aller à des élections générales pour élire une assemblée qui rédigera une Constitution. Selon d'autres, les deux responsables du mouvement islamiste sont condamnés à s'entendre pour durer. Comment ? En lâchant du lest. « Un gouvernement formé par des compétences neutres à la tête des ministères techniques (Investissement, Commerce, Développement...) renforcé par des politiciens qui seront les représentants de la légitimité acquise après les élections », pourrait faire l'affaire, affirment-ils. « Si cette composition est acceptée, notamment par les partis représentés à la Constituante, je resterai à la tête du gouvernement, mais en cas de refus ou de retrait de confiance, je m'adresserai au président de la République pour lui demander de désigner un autre candidat afin de former un gouvernement susceptible d'être plébiscité par la Constituante », affirme Jebali. Les « colombes » du mouvement islamiste demandent à Ghannouchi et ses « faucons » de « céder » le pouvoir. Abdelafattah Mourou, le vice-président d'Ennahdha, accuse Ghannouchi de mener « le pays et le parti vers le désastre ». Et déclare que c'est lui qui a « soufflé l'idée d'un gouvernement de technocrates apolitiques » au Premier ministre. Ghannouchi, qui a réuni, hier, son conseil de la Choura, à Hammamet, affirme qu'Ennahdha fait l'objet, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2011, d'une « série de complots » qui ont culminé avec « la proposition d'un gouvernement de technocrates (...), ce qui équivaut à un coup d'Etat contre le gouvernement élu ». « Ennahdha est la colonne vertébrale de la Tunisie, et la briser ou l'exclure porterait atteinte à l'unité nationale du pays. Nous ne sommes pas près de céder le pouvoir », dit il devant 15.000 partisans et des centaines de salafistes.