Mobilisation des forces de l'ANP qui encerclent la région des Ouacifs et fermeté affichée par les autorités françaises de ne «céder à aucun chantage». L'enlèvement du touriste français Hervé Gourdel, dans la commune d'Akbil, au pied du Djurdjura, place l'Algérie sous les feux des projecteurs avec l'apparition spectaculaire de la branche locale de l'Etat islamique. Une course contre la montre est engagée pour sauver l'otage des mains de ses ravisseurs. Les forces de l'ANP stationnées dans les régions de Bouira et Tizi Ouzou sont en état d'alerte et passent au peigne fin le massif montagneux. Les militaires comme les habitants de la région sont soumis à une rude épreuve qui risque de s'éterniser. L'ultimatum de 24 heures donné par les ravisseurs ne semble pas faire fléchir la position de la France, engagée militairement en Irak contre l'Etat islamique et dont les ressortissants sont directement visés par les groupuscules inféodés à la nébuleuse d'Abou Bakr Al Baghdadi. A partir de New York, le chef de l'Etat français, François Hollande, s'est dit «ferme» et ne cèdera devant aucun chantage : «Aussi grave soit cette situation, nous ne céderons à aucun chantage, aucune pression, aucun ultimatum, fut-il le plus odieux, le plus abject.» M. Hollande, dont le pays est en première ligne du combat contre l'EIIL en Irak, place tout son espoir en les forces de sécurité algériennes pour la libération d'Hervé Gourdel. «J'ai pleine confiance en les forces de sécurité algériennes pour que tout soit fait pour que nous retrouvions notre compatriote», a-t-il assuré. Un signe de rapprochement accru entre Alger et Paris en matière de coopération sécuritaire, qui s'est solidifiée depuis l'intervention militaire au Mali puis lors de l'attaque du site gazier de Tiguentourine, en janvier 2013. «La coopération est totale entre la France et l'Algérie à tous les niveaux pour tenter de retrouver et de faire libérer notre compatriote. Nos services sont en contact permanent et les autorités algériennes agissent avec notre plein soutien», a réaffirmé le chef de l'Etat français, qui s'est entretenu lundi soir avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Alger, dont l'armée est fortement sollicitée pour plus d'efforts de guerre tout au long des frontières instables du sud et de l'est en raison d'un voisinage enlisé dans des conflits violents, a minimisé la menace de l'irruption d'un groupe terroriste qui allait faire allégeance à l'Etat islamique. L'enlèvement d'Hervé Gourdel donne l'alerte. Des spécialistes des mouvements islamistes radicaux mettaient en garde contre les métamorphoses des groupes djihadistes locaux à chaque mutation de la galaxie terroriste internationale. Terroristes «post-kamikazes» Pour le journaliste H'mida Ayachi, spécialiste de l'islamisme radical, «c'était le cas avec le GSPC, en perte de vitesse, qui s'est rallié à Al Qaîda en devenant AQMI, suivi d'un changement de la stratégie de la violence en adoptant les attentats kamikazes comme mode opératoire. Avec l'apparition de Daech, nous assistons à une génération de terrorisme post-kamikaze». M. Ayachi estime que l'enlèvement du ressortissant français s'inscrit dans cette stratégie qui a pour objectif «de frapper les esprit en réussissant un coup spectaculaire aux retombées médiatiques considérables. Il s'agit fort probablement d'un groupuscule sans background idéologique, mais versé dans une logique nihiliste qui signe son allégeance à Daech et va s'employer à recruter d'autres éléments djihadistes». H'mida Ayachi fait remarquer également que le chef de Jund Al Khilafah, Abdelmalek Gouri alias Khaled Abou Selmane, marque la naissance d'un nouveau «profil de djihadistes issu de la période de la concorde civile et de la réconciliation nationale». Et c'est justement, en grande partie, la politique dite de réconciliation qui a induit un relâchement des troupes militaires et le désespoir des groupes d'autodéfense qui s'estiment abandonnés par l'Etat, voire trahis, en accordant une amnistie aux terroristes sans passer par la vérité et la justice. En Kabylie, les gens se posent d'innombrables questions sur la persistance de l'activité terroriste et la recrudescence des actes d'enlèvement depuis 2006. Tandis que le terrorisme atteignait son apogée, la région, qui avait pu dresser une muraille solide contre le péril obscurantiste, se retrouve paradoxalement «fief» des groupuscules djihadistes lorsque la violence a baissé considérablement partout ailleurs dans le pays. Le cycle infernal des kidnappings dans lequel est engluée la Kabylie n'a pas amené les autorités politiques et sécuritaires du pays à mettre en place une stratégie efficace – en dépit d'un quadrillage militaire – pour venir à bout des poches du terrorisme, estimé «résiduel» dès l'arrivée de Bouteflika au pouvoir. Les familles de victimes de kidnapping ne pouvaient compter que sur la mobilisation citoyenne qui a souvent vaincu. L'enlèvement d'un ressortissant français modifie complètement la donne et la pression sur l'Algérie change de nature. Elle devient internationale. Cela va-t-il déboucher sur une réorientation substantielle et ferme de la politique vis-à-vis du terrorisme, dans un contexte marqué par un engagement militaire international visant à «anéantir» les sanctuaires du terrorisme ?